L’antimoine de la stibine (trisulfure d’antimoine Sb2S3) a la propriété de se vitrifier. Un autre métal possède également cette propriété, c’est le plomb. La couleur du verre d’antimoine varie de l’orange au rouge profond mais il peut aussi être blanc. Si le verre est bien transparent, il est de bonne qualité.
L’opération est très bien décrite dans l’ouvrage de Basile Valentin « Le char triomphal de l’antimoine » :
« CHAPITRE III DE LA CALCINATION DE L’ANTIMOINE ET DE SA RÉDUCTION EN VERRE CLAIR ET NET.
Prenez du meilleur antimoine de Hongrie, ou autre, que vous pourrez trouver, et le pulvérisez sur une table de marbre ou de porphyre, le plus subtilement qu’il vous sera possible. Et vous le mettrez ainsi pulvérisé dans un vase de terre qui soit large, délié et presque plat (de manière que cette poudre d’antimoine soit éparse et comme parsemée, et non pas en monceaux). Ce plat ou vaisseau de terre, qui ne doit avoir les bords que de deux travers de doigts de hauteur, sera mis dans un fourneau calcinatoire, sous lequel il faudra faire au commencement un feu modéré avec du charbon. Et quand vous verrez que l’antimoine commencera à fumer, vous le remuerez sans intermission avec quelque instrument de fer; ce qu’il faudra continuer jusqu’à ce qu’il ne fasse plus de fumée ou de vapeur. Et quand vous verrez qu’en le calcinant ainsi il s’amassera ensemble et s’attachera comme de la neige et comme une boule, il faudra le tirer hors du feu et le laisser refroidir; le broyer derechef subtilement et le remettre de même sur le feu ; le remuer et calciner de nouveau comme auparavant, et continuer ainsi à le calciner et remuer jusqu’à ce qu’il ne fume plus du tout et ne s’attache plus ensemble et demeure en sa couleur blanche comme de la cendre blanche. Et alors la calcination sera achevée.
Vous le mettrez ensuite dans un vase de terre semblable à ceux que les orfèvres prennent pour fondre l’or et l’argent; et le mettrez au fourneau à vent, ou dans un autre fourneau près du soufflet. Et vous lui donnerez telle ardeur en soufflant que l’antimoine se fonde et soit aussi coulant que de l’eau claire et nette.
Et quand vous voudrez savoir et éprouver si le verre d’antimoine a acquis sa vraie consistance et sa couleur transparente, mettez dedans votre creuset de terre une verge de fer longue et froide, et le verre d’antimoine s’attachera au bout. Lequel vous détacherez avec un marteau. Et s’il paraît beau et transparent et clair au jour, alors le verre sera parfait. Ce que doivent bien observer les jeunes disciples et étudiants en l’art spagyrique — car je n’écris pas ceci pour ceux qui sont déjà versés en la pratique — lesquels doivent savoir qu’il n’y a rien de plus facile que de préparer le verre d’antimoine, et que tout le verre qui se prépare d’autres métaux et minéraux doit aussi avoir sa couleur claire et transparente si on veut s’en servir en la médecine et si l’on veut aussi qu’il ait les facultés qui lui sont requises et nécessaires ; ce qui s’opère entièrement par Vulcain et les propriétés qui lui sont naturelles. Lorsque l’antimoine sera ainsi réduit en une consistance de verre, prenez un plat ou une écuelle de cuivre ou de laiton ; faites-le premièrement chauffer sur le feu — autrement il se romprait — et versez ainsi votre antimoine fondu dedans ce plat peu à peu, le plus menu que vous pourrez; et vous verrez qu’il se réduira en un verre jaune, transparent, clair et net.
Voilà la méthode la plus assurée et la meilleure pour préparer le verre d’antimoine, pur et sans mélange d’aucuns autres ingrédients. Et ce verre a plus de vertu que pas un autre. Je l’appelle le verre net d’antimoine, […] »
De façon générale, nous pouvons dire que la stibine est composée de 70% d’antimoine et de 30% de soufre. Bien évidemment, cela peut varier considérablement suivant l’origine et la qualité des minerais. On trouve également dans la stibine un ensemble d’impuretés à éliminer comme l’arsenic et le mercure. C’est pour cela, que toutes les opérations se dérouleront à l’extérieur en prenant garde au sens du vent pour ne pas respirer les vapeurs toxiques.
Purification et oxydation de la stibine.
Pour préparer un verre d’antimoine nous allons simplement oxyder la stibine.
Personnellement nous utilisons une stibine de qualité, très pure, déjà réduite en poudre fine.
Nous en plaçons une bonne quantité dans une poêle vision que nous posons sur une plaque électrique au grand air, à environ 100°C. Il ne faut surtout pas dépasser les 110°C sinon le soufre libre va se fixer. Cette opération dure une demi-journée, voire une journée complète. Il est nécessaire de remuer la matière de temps en temps.
Cette étape de préparation permet de retirer le soufre libre, le mercure et une partie de l’arsenic présent dans la stibine. Autant éviter de les respirer ! Elle est indispensable. Surtout ne la négligez pas !
Ensuite, et seulement ensuite, vous pouvez augmenter le feu progressivement de la plaque électrique tout en remuant bien la matière de temps en temps. La disparition des odeurs de soufre est un bon signe pour augmenter le feu d’un cran. Continuez de toujours travailler au grand air !
Progressez par étapes sans vous hâter.
A un moment précis des vapeurs blanches vont se former et la matière va s’agglomérer en boules. Remuez activement tant que cela perdure. Au bout d’un moment variable (15 à 30 minutes), le phénomène va disparaitre et vous pourrez continuer à pousser progressivement le feu jusqu’au maximum de la plaque électrique. Vous observerez alors que la stibine est devenue plus claire.
Ensuite, continuez la cuisson en remuant au tripatte à gaz en augmentant progressivement le nombre de bruleurs actifs. Certains poussent l’oxydation jusqu’au blanc mais cela n’est pas indispensable pour obtenir un verre.
En effet, c’est la présence de sulfure au sein de l’oxyde qui permet d’obtenir la fameuse couleur rouge. Si l’on fond de l’oxyde pur d’antimoine on obtiendra un verre blanc.
Transformation de l’oxyde d’antimoine en verre par fusion.
Votre stibine oxydée est prête à subir l’assaut brutal du feu. Placez l’oxyde d’antimoine dans un creuset en terre réfractaire à porosité réduite au sein d’un four. Nous utilisons un four à gaz (chalumeau) isolé en laine céramique résistante à 1300°C.
Monter la température à 1000°C. Certains la poussent encore plus haut. Une fois la poudre d’oxyde fondue, attendez 3 minutes puis coulez le contenu du creuset sur un simple plateau inox en prenant soin d’étirer le verre. S’il reste encore un peu de matière non transformée en verre (ce qui est vraiment très rare) vous pouvez repasser l’ensemble au four au creuset.
Si vous le souhaitez, le verre se consolide par de multiples cuissons au creuset. Il sera moins cassant. Exemples de coulées :
Même si le verre semble rouge sur la plaque, au final, il est souvent orange :
Broyé il devient jaune :
Dans un autre article nous vous montrerons l’extraction du soufre et du sel d’antimoine à partir de ce verre broyé.
Un jour, nous avons utilisé une stibine en poudre provenant d’Espagne visiblement de mauvaise qualité. Le verre obtenu était noir profond, opaque, avec la présence d’une autre matière métallique non transformée en verre. Ce n’est pas la peine d’insister car avec ce genre de stibine vous n’arriverez à rien de bon. La fabrication de Kermès est alors une bonne solution pour l’utiliser.Bon travail à tous !
Le 20 mars 2016, Chrysopée (http://chrysopee.url.ph)
Lectures conseillées.
Notices LPN « Cours d’alchimie minérale » N°6 et N°18. L’ensemble des notices est téléchargeable gratuitement ici http://www.portaelucis.fr/html/publications/alchimie.htm
Robert Allen Bartlett « The way of the crucible ». Ajoutons que c’est un auteur que nous apprécions. Nous avons réalisé la traduction de son chapitre portant sur l’antimoine qui est autant intéressant que pratique. Vous pouvez nous demander cette traduction.