BROYEURS et CONCASSEURS

Depuis la nuit des temps, les hommes (et bien souvent leurs compagnes) ont écrasé entre un galet et une simple pierre plate les grains de leur alimentation, les minéraux colorés des peintures rupestres, la stibine devenant ainsi la poudre très subtile, le khôl, servant encore de nos jours à farder les visages.
Les apothicaires, les peintres, les spagyristes, les alchimistes ne sauraient se passer d’un moyen de broyer et de concasser.
La plaque et la molette de porphyre, le mortier, qu’il soit de bois, de porcelaine, de grès, de bronze ou de fer (ces derniers – voir photo – quand ils servent à concasser les pierres dures portent le nom de mortier de diamant), sont des instruments qui ont toujours leur place au labo.
Ils sont très pratiques pour travailler de faible quantités, mais il faut bien reconnaître que triturer au pilon pendant plusieurs heures, (à moins d’avoir préalablement développé spécifiquement les muscles sollicités) n’est pas de tout repos.
L’industrie a depuis longtemps résolu le problème, elle a créé un très grand nombre de variantes de concasseurs et de broyeurs. Ils sont adaptés à chaque usage et les alchimistes ne sauraient tous les copier à petite échelle.
Nous nous sommes attachés à créer un modèle de table de broyeur à galets. Il faut bien entendu une source d’énergie motrice, mais plus délicat est le système de broyage proprement dit.
Pour limiter le sujet, nous avons posé de travailler uniquement sur un produit à broyer préalablement concassé et tamisé assez fin pour pouvoir utiliser un broyeur de prix abordable. Il faut trouver un rotor convenable pour recevoir la matière et les galets, on se rend compte immédiatement que pour utiliser des galets de gros diamètre, (la masse du galet est proportionnelle au cube de son diamètre) capable d’écraser la matière sans laisser une zone morte dans l’angle, il faut que le rotor ait un rayon important dans l’angle. Ce problème étant résolu, il nous fallait trouver un moteur (à bas prix), nous avons utilisé celui d’un appareil ménager bien connu à l’époque et que l’on trouve encore pour environ 15 € en 2004 sur les brocantes.
Les images suivantes montrent des broyeurs passés de mode, car inefficaces ou non reproductibles en plusieurs exemplaires.
        Ci-après le modèle choisi que nous considérons comme définitif, un des exemplaires ayant plus de 12 ans de bons et loyaux services. 
Si vous vous lancez dans la réalisation, achetez plusieurs moteurs, même avec le boitier plastique cassé, uniquement pour la récupération des charbons que l’on ne trouve plus chez le fabricant, ceux d’origine ne nous ont fait que 8 ans environ d’usage très intermittent.
L’accouplement du rotor au moteur se fait par un simple bout de tige à six pans, et le rotor incliné à 45° repose librement sur un morceau de plastique ou deux petites roulettes. Il est simplement posé et se retire sans démontage pour être garni de matière ou nettoyé. Le tout est fixé sur un très simple bâti en bois.
Il est préférable, pour éviter la diffusion de poussières, de fermer le rotor. On peut utiliser un simple disque de contreplaqué, éventuellement doublé d’un morceau de toile caoutchoutée en guise de joint. Ou, comme sur les images, il est possible de réaliser une fermeture plus complexe composée de deux obturateurs utilisés pour cacher les brûleurs des gazinières et un joint silicone RTV coulé.
Les images doivent être suffisantes pour vous guider, ( nous sommes là pour vous aider) et pour les membres, vous fournir ce que vous ne trouverez pas.
Une remarque : il est impératif que le moteur tourne à faible vitesse tout en étant loin de caler, ceci pour sa longévité et un travail convenable. Il est donc indispensable de l’alimenter par une régulation à triac du même type que celle utilisée pour un chauffe-ballon.
          Il existe pour ce robuste moteur un grand nombre de variantes de carter en matière plastique, et il est parfois vendu sous une autre marque, seul le système de fixation des accessoires en face avant reste identique (il est bien visible sur les photos). L’esthétique n’étant pas notre principale préoccupation, il ne faut pas hésiter à scier le plastique pour laisser le passage du rotor, on en profite pour y adapter, (avec de la colle à deux composants) des tiges filetées pour le fixer.
La réalisation ci-après comporte un rotor de 20 cm de diamètre alors que celle ci-dessus en présente un de 18 cm.
        La suite de la construction d’un support incliné à 45° ne présente aucune difficulté.
Le plateau inférieur doit laisser passer la clé pour retirer le moteur de son support en cas de changement de charbons. Ce plateau, portant les pieds caoutchouc récupérés, supportera une charge (voir la plaque de plomb) destinée à empêcher le broyeur de se déplacer pendant son fonctionnement.
La tige d’entraînement à six pans est récupérée sur les accessoires généralement vendus avec le moteur.

Autre réalisation en diamètre 18 cm.

        Nous avons parlé de broyage en premier, car la réalisation d’un broyeur devient vite indispensable pour le minéral tout au moins. Les grains à passer au broyeur ne doivent pas être trop gros pour que le galet puisse passer dessus pour les écraser, c’est le principe de la bordure de trottoir qui ne doit pas être trop haute pour que la roue puisse monter sur le trottoir. La taille d’un grain de blé est un maximum. Il faut donc, nous l’avions dit, concasser la matière auparavant. Les concasseurs à notre portée peuvent être classés en deux catégories : les concasseurs utilisant l’effet dynamique, genre marteau enclume et ceux utilisant la pression sur l’échantillon, genre passage de la meule à grains ou de la roue de charrette sur un caillou.
L’échantillon, même enveloppé, écrasé sur une enclume, est dispersé en grande partie : cette solution n’est pas à retenir. Pour que les débris soient retenus après le choc, nous utilisons des fonds de bouteilles à gaz achetées à la ferraille, (il en existe de différents diamètres). Souvent le ferrailleur refuse de vous la couper au chalumeau, car ne sachant pas quel gaz a contenu la bouteille, il ne peut pas prendre le risque d’une explosion. Il vous faudra le rassurer sur votre savoir-faire pour qu’il accepte de vous vendre la bouteille. Pour ne pas prendre de risque, il faut : si un robinet (ouvert) est présent et en laiton, le scier à la scie à main, il n’y à pas de risque d’étincelle, et remplir la bouteille d’eau pour chasser tout le gaz. Si vous ne pouvez pas agir ainsi, il faut entamer deux trous en haut de la bouteille avec une perceuse à moteur (pour éviter la fatigue), mais veillez à ne pas déboucher, cette opération est à faire impérativement à la perceuse à main, puis remplir d’eau par un des trous.
Le traçage de la découpe se fait en prenant pour gabarit une carton mince roulé sur la bouteille. La découpe se fait facilement avec une petite disqueuse et un disque de 1,5 mm d’épaisseur (le tout pour 20 € environ).
Le pilon, (voir images) peut être réalisé de diverses façons, s’il est petit on peut penser à une boule pour remorque (à la casse), plus gros une boule pleine ou creuse (pétanque) sera soudée par un ami à un tube ou à un raccord d’eau recevant un manche bois.
On trouve aussi de petites bouteilles à gaz à paroi épaisse auxquelles il est facile d’adapter un manche et qui font de bons pilons.
Pour les boules, difformes si récupérées d’un broyeur industriel ou comportant des gravures s’il s’agit de boules à jouer, il faut penser que seule une toute petite zone écrase le minerai et qu’il est facile de limer cette zone pour que le produit n’y adhère pas.
Si l’on dispose d’un fond provenant d’une petite bouteille ou d’un couvre robinet de bouteille à fond sphérique (image) il est possible, en le posant à l’envers dans une petite cuvette, de le recouvrir de 5 kg de mortier pour en faire un petit concasseur de table qui rend aussi des services. Un tube bouché au fond et une barre de fer avec un bout plat peut dépanner, mais il n’est pas facile de récupérer la matière si elle se tasse au fond.

        On peut avoir recours à la pression pour écraser des produits résistants, il y a possibilité de se procurer des crics hydrauliques de camion, puissance 25 tonnes pour moins de 30 €, l’échantillon peut être logé dans une robuste coupelle de cardan de même provenance.
        Pour ce qui est d’imiter la roue de charrette, le dispositif photographié avec son enclume amovible et son balancier équilibré (chargé de 40 kg. de plomb), oscille d’une seule main.
        A signaler que notre broyeur classique fait très bien fonction d’amalgameur, (c’est aussi pourquoi, nous avons parlé de joint pour le couvercle, à cause du mercure) l’image montre un amalgame d’antimoine, argent, mercure, qui en durcissant s’est formé autour du galet.
P. Melleret pour les Amis de l’Alchimie.