SÉPARATION ou premier régule

L A    S É P A R A T I O N.     (Thème de stage).

      La séparation est l’opération qui permet de séparer le soufre de la stibine Sb2S3 pour en retirer l’antimoine de formule Sb qui portait chez les Anciens le nom de « Régule d’antimoine ». Cette séparation donne ce qu’il est convenu d’appeler « Premier régule ».
Ce métal, (appelé aussi parfois demi-métal) est un corps simple de masse atomique 121,75 qui fond à 630° et se volatilise vers 1300°. Sa densité est de 6,70. Il est de couleur blanc brillant, très légèrement bleuté et très cassant. 
Le terme « d’antimoine » a longtemps été associé à la légende selon laquelle des moines au XVème siècle auraient été les victimes en tant que cobayes des expériences de Basile Valentin. Ce jeu de mots est évidemment faux, mais doit tout de même nous rappeler les dangers de ce métal. Il est classé parmi les métaux lourds et il est presque toujours associé à l’arsenic. Sa manipulaion, plus dangereuse que celle du sulfure, exige le port de gants et une indispensable protection contre ses émanations lors d’opérations à chaud (vapeurs d’oxyde mêlées d’arsenic). 

Préparation au travail au fourneau :
À partir de votre provision de stibine, [image 1] il vous faudra confectionner un mélange comprenant, outre ce minerai Sb2S3 épuré, du fer qui aura la tâche de fixer le soufre, et un mélange de deux sels qui composera le fondant destiné à abaisser fortement la température (1200° C) exigée pour exécuter l’opération sans sa présence.
La formule de la réaction de base est : Sb2S3 + 3 Fe ——> 2Sb + 3 FeS, elle produit ce que les alchimistes nomment le « régule martial ».
La tradition indique les proportions de produits à utiliser en parts, soit 9 parts de stibine et 4 parts de fer. On ajoute un mélange, dit flux noir, représentant 1/15 des 13 parts précédentes.
Par exemple, si on a pris 13 parts = 130 grammes, on utilisera 90 grammes de stibine et 40 grammes de fer. Les 1/15 de 130 grammes font 8,66 grammes et seront donc composés de 4,33 g de tartre des tonneaux et 4,33 g de salpêtre par exemple. Les chiffres après la virgule ne sont évidemment donnés que pour faire cadrer les calculs.
Le fondant, un carbonate ou un sulfate alcalin, permet en outre de diminuer la densité de la combinaison. Il existe un faible écart entre la densité de l’antimoine et celle du sulfure de fer qui doit surnager.

Ci-après, quelques recettes glanées au fil du temps. 
Elles sont loin d’être équivalentes au point de vue du rendement. Ce rendement dépend aussi beaucoup de l’habileté de l’opérateur, car les pertes sont toujours importantes, l’antimoine se transformant en oxyde volatil à la température exigée pour l’opération.
Laissant de côté les fondants, nous pouvons calculer pour un rendement idéal de 100% la quantité maxi de régule contenu dans 100 g de stibine :
Une mole de stibine Sb2S3 correspond à : 2 (121,75) + 3 (32,06) = 339,68 g.
Dans 100 g. de stibine il n’y aura donc que 2×121,75 / 3,3968 = 71,68 g d’antimoine. Une remarque en passant : Une mole de fer correspond à 55,85 g et 3Fe à 167,55g. Donc, pour réagir avec 100 grammes de stibine, il faudrait employer 167,55 / 3,3968 = 49,32 g de fer. Le rapport des 9/4 = 2,25 proposé par la tradition, n’est ici du point de vue réaction chimique que de 2,03. Les pertes au feu de stibine peuvent expliquer qu’en pratique on utilise moins de fer.
Ce fer est généralement divisé en deux parties, une moitié, composée de petits clous (10 à 15 mm de long), qui sont préalablement chauffés au rouge blanc dans le creuset. L’autre moitié, composée de poudre ou de petits copeaux écrasés est mêlée intimement à la stibine et aux fondants.
Ce mélange est versé par petites portions sur les clous. On attend la cessation de l’agitation (on a parfois une petite explosion), on verse une nouvelle quantité de mélange en refermant vivement le couvercle à chaque opération. 
Si la quantité versée en une fois est trop importante on s’expose à des débordements.
Ce dépôt de mélange dans le creuset se fait souvent à l’aide d’un cuillère à long manche. Cependant, nous avons constaté un meilleur rendement en préparant de petites doses dans du papier mince fermé par un petit bout de scotch [images 2 & 3]. 
Ces doses sont déposées plus facilement et plus calmement dans le creuset, avec une pince, il n’y a pas de dépôt à côté, ce qui arrive souvent avec la cuillère au milieu de la flamme [images 4 & 5]. De plus, la dose tombe tout au fond du creuset sans qu’une partie du mélange se colle aux parois.

Régule martial, exemples :
1) – Stibine 100 g    Fer 42 g    Sulfate de soude calciné 10 g    Charbon 3,5 g 
2) – Stibine 100 g    Fer 40 g    Sel de Seignette 40 g    Tartre 70 g    Salpêtre 50 g
3) – Stibine 100 g    Fer 45 g    Sel de Seignette 89 g    Tartre 45 g    Salpêtre 45 g
4) – Stibine 100 g    Fer 40 g    Hydroxyde de sodium 6 g    Tartre 100 g    Salpêtre 40 g

Régule ordinaire sans fer :
1) – Stibine 100 g    Tartre 75 g    Salpêtre 38 g
2) – Stibine 100 g    Tartre 67 g    Salpêtre 34 g
3) – Stibine 100 g    Tartre 50 g    Salpêtre 75 g
4) – Stibine 100 g    Tartre 80 g    Salpêtre 40 g
Dans les mélanges ne faisant pas intervenir de fer, que nous citons ci-dessus, c’est le fondant qui est censé consommer le soufre, ou tout au moins lui permettre de s’échapper en fumée.
Ces mélanges nous ont toujours semblé d’un rendement plus faible, mais au vu des écarts constatés à composition constante, nous ne les condamnons pas.

Dans tous les exemples vous n’avez pas manqué de constater que la quantité pratique de fondant proposée est sans commune mesure avec celle traditionnelle de 1/15. 

Pour faire comme tout le monde, nous proposons notre composition favorite, fruit de nombreux essais.
AA) – Stibine 100 g    Fer 44 g    Tartre 63 g    Salpêtre 75 g

C’est volontairement, ce texte étant réservé à des débutants, que nous ne faisons que signaler, outre le régule Normal et le régule Martial, l’existence du régule de Vénus de couleur purpurine, du régule Jovial de couleur d’ardoise, du régule dit Des Métaux, constitué à parts égales des deux précédents et du Régule Violet.

Il faut également citer la possibilité d’obtenir du régule d’antimoine à partir de son oxyde Sb2O3, ce dernier étant l’ultime moyen de valoriser un minerai trop pauvre pour que la stibine qu’il contient puisse s’écouler lors de l’opération de liquation. Le grillage de ce minerai dégage cet oxyde (dit oxyde soluble) qui est ensuite réduit par le charbon de bois en poudre.
Le régule obtenu de cette façon ne peut être utilisé qu’à des essais à blanc car sa tête morte n’est pas canoniquement utilisable par la suite.
Pour 100 g de ce protoxyde d’antimoine on utilise 10 g de charbon de bois et 8,5 g de carbonate de soude. Lors de la purification du régule obtenu, on ajoutera (comme pour le régule martial) un tout petit peu de stibine.

Déroulement des opérations.
Après le dépôt de chacune des doses de mélange dans le creuset, vous faites une pose (de l’ordre de 3 minutes) pour laisser la réaction se faire. Vous contrôlez rapidement à l’aide d’une tige de fer (diamètre 4 mm par exemple) que le mélange est bien liquide et vous en profitez pour faire tomber au fond ce qui est resté collé contre les parois du creuset.
Vous déposez la dose suivante et ainsi de suite sans que la matière ne monte plus haut que les 2/3 du creuset.
 La tige de fer sera coudée et étudiée pour être la moins longue possible mais adaptée à cet usage tout en n’obligeant pas vos mains (gantées) à rester dans la zone des flammes, cette tige est légèrement consommée par la réaction et lui apporte ainsi un peu de fer.
Au moment du contrôle après le dépôt de la dernière dose, vous ajoutez une petite quantité de stibine (1/2 cuillère à café par exemple) et vous poussez un peu le feu.
Immédiatement après et promptement vous graissez (pas d’huile) l’intérieur du cône de coulé que vous avez maintenu chaud (200° minimum).
Un dernier contrôle de votre creuset accompagné d’un léger brassage, puis vous retirez le creuset du four [images 6 & 7].

      Dans la foulée, vous versez régulièrement dans le cône (inox réfractaire, acier doux, céramique, tôle, ou plâtre) tout le contenu du creuset.
Le cône [images 8 à 11] est tapoté sans violence pour que le métal se sépare des fondants sans y projeter des gouttelettes, on tapote souvent trop fortement.

       Laisser refroidir avant de démouler. Séparer d’un petit coup de marteau le métal de sa tête morte [images 12 à 14].

      À ce stade, ce premier régule n’a aucune chance de présenter l’étoile ni une forme voisine. Pour l’examiner en son intérieur, il faut le briser [ images 15 à17] sans en perdre. 
Pour cela, il est préférable de l’enrouler dans un chiffon avant de le frapper ou de le serrer dans un étau. Son intérieur sera d’aspect fibreux.

      Il ne vous reste qu’à accumuler [images 18 & 19] environ 4 à 5 kg de ces premiers régules.

      Les têtes mortes [image 20] encore tièdes seront stockées à l’abri de l’humidité. 
Plus tard, quand vous le jugerez utile, vous les écraserez et les mettrez en déliquescence. 
Sans chercher à quitter le domaine pratique nous rappellerons que ce Caput Mortem qui s’est chargé d’Esprit Astral demande que les opérations précédentes soient menées à la bonne époque, par temps clair et qu’un couvercle de creuset en mica est recommandé.
Un opérateur expérimenté peut obtenir parfois sur un premier régule, des traces (flèches) de clivage, prémices du monocristal qui sera le but recherché au stade suivant, « la purification ».
L’expérience permet à un opérateur seul d’enchaîner sans stress toutes les opérations, mais au début, nous conseillons la présence d’une deuxième personne qui par exemple, découvre le creuset et tapote le cône dès le début de la coulée, pour permettre à l’opérateur principal de se sentir moins bousculé par l’enchaînement des gestes à accomplir.

      Nous ne vous cacherons pas, en dernière image, une coulée en cône parfaitement ratée. La pratique ne s’améliore qu’avec la répétition des mêmes gestes et l’analyse des résultats obtenus.

Les Amis de l’Alchimie.