LA DISTILLATION DU TARTRE

      Le Tartre ! Que voilà un beau sujet d’expérimentation pour l’apprenti alchimiste. En effet, pour qui ne craint pas quelques odeurs nauséabondes, genre vieille pipe froide, ce travail sur le tartre est des plus intéressant car il met facilement en évidence les 3 principes que sont l’Esprit, l’Huile et le Sel. Nous laisserons à plus compétent le soin de disserter sur l’éventuel intérêt du tartre en Alchimie… (Se reporter aux excellents articles de l’association « Les Amis de l’Alchimie »).
Nous nous focaliserons plutôt sur son intérêt en Spagyrie, en thérapie, en procédant à sa distillation, d’après les enseignements de Manfred Junius et de Siegfried Folz.
Si l’on en croit certains auteurs, il s’avère que ce corps étrange, mi-végétal mi-minéral, possèderait un pouvoir curatif fort précieux lorsqu’on a pu le préparer sous forme d’Elixir ! Il serait même supérieur à l’or potable (teinture d’or) !
Il faut d’abord disposer d’un tartre de qualité, par exemple issu de tonneaux de chêne « bio » ayant contenu un crû du siècle en Aquitaine. Ou tout simplement du tartre… [images 1 & 2].
      Celui-ci sera concassé grossièrement. Surtout, ne pas le réduire en poudre pour qu’il ne s’agglomère pas en masse trop compacte. La composition du tartre varie d’une région à l’autre. Il contient des centaines de composés biochimiques comme l’acide tartrique. Si on purifie le tartre par solve-coagula et par écrémage on obtient le tartrate de potassium ou « crème de tartre ». Le « sel de tartre » est la partie fixe. Il est obtenu par calcination et contient surtout du carbonate de potassium, tout comme le sel des plantes. 
Ce sera d’ailleurs notre principe SEL. Ce sel est très déliquescent : il attire facilement l’humidité de l’air et se résout en une eau très basique (prudence !), l’Eau des Anges ; ce serait une sorte « d’aimant ». 
Il sert aussi à déflegmer un Spiritus Vini ayant déjà atteint les 96°. Van Helmont nous conseillait, à défaut de réussir la Pierre Philosophale, de volatiliser le sel de tartre ! Un conseil, hélas, peu suivi… En tout cas, que de bonnes raisons pour passer à la pratique !

Distillation du tartre :
Il est tout à fait possible de distiller le tartre dans un ballon pyrex, mais la probabilité de le récupérer intact est tout de même assez faible. Disposant pour quelques semaines de la cornue[image3] en acier inox de l’association « Les Amis de l’Alchimie », c’est bien évidemment cet outil qui servira pour la démonstration.
Etaler dans le fond de la cornue le tartre en morceau. On peut, bien sûr, en mettre quelques kilos, mais la distillation sera d’autant plus longue et dépassera la journée. Le chauffage se fera au gaz avec un tripode. Chauffer progressivement. Comme toute distillation, ne surtout pas fermer le système hermétiquement ! Au début, seule la rangée centrale du tripode sera en marche.
Au bout d’un certain temps, un « flegme » va faire son apparition. Conduire le feu pour que ce flegme s’écoule tranquillement, goutte à goutte [image4]. Une huile noirâtre passera aussi avec le flegme.

      Dès que le flegme semble se tarir, augmenter progressivement le feu, c’est alors que va apparaître une fumée blanchâtre qui va envahir le ballon de réception et s’échapper au-dehors. Changer alors de ballon de réception. Cette fumée, nauséabonde, est l’ESPRIT du tartre. Elle est très difficile à condenser.
A ce stade, plusieurs options sont possibles :
– Manfred Junius créait un système « alambiqué » où les vapeurs rencontraient plusieurs ballons reliés entre eux par de longs tubes de verre [images 7 & 8], pour piéger un maximum d’Esprit.
– Jean Dubuis, dans sa leçon sur l’Alkaest du tartre, propose un circuit hermétiquement fermé et refroidi à -15°C.
– Ce dernier système me semblant irréalisable en plein été provençal, j’ai choisi la simplicité, c’est-à-dire un unique ballon de réception qui récupérera ce qu’il pourra ! Peut-être que la plus grande quantité de tartre dans la cornue compensera les pertes plus importantes ? Un point de vue probablement contestable !
La distillation du tartre :
La jonction bec/ballon sera garnie de coton ou d’un lut pour essayer de retenir un peu les fumées [images 9 & 10]. Petit à petit, quelques gouttes d’esprit se condensent [images 11 12 & 13]. Augmenter le feu si nécessaire, pour finir « à fond » en fin de journée.
      Il passera aussi une huile rouge mais jaune-dorée par transparence, c’est le SOUFRE du tartre. Cette huile ne se mélange pas avec l’Esprit mais y flotte à sa surface.
J’obtiens finalement, après quelques heures, environ 150 ml d’Esprit, ce qui me satisfait déjà. Mais un orage se faisant très menaçant dans la soirée, j’y vois un signe du Ciel pour clore l’opération… et tout démonter avant la pluie battante.

Les 3 Principes :
Me voici en possession de l’Esprit (Mercure) et de l’huile (Soufre) que je transvase dans un flacon pour les laisser reposer, décanter [images 14 à 16], et les séparer ensuite. Le tartre qui est resté dans la cornue sera calciné à l’air libre, tout à fait classiquement, jusqu’au gris-clair, afin d’en extraire un sel fixe parfaitement blanc.
L’Esprit sera rectifié plusieurs fois jusqu’à obtenir un liquide jaune-clair [images 17 & 18].

      L’huile rouge-jaune [image 19] a des propriétés cicatrisantes au niveau de la peau. On peut se faire un onguent en mélangeant 3 gouttes dans 30 ml d’une crème neutre. Cette huile, pure, pénètre très facilement dans la peau, comme une huile essentielle de plante, et semble avoir un effet dynamisant.
Par contre, il semblerait que cette huile, comme tous les goudrons, soit cancérigène si elle est absorbée par voie interne !? Ce qui fait que certains auteurs l’écartent complètement. Je trouve ce point de vue assez contestable, car, tout de même, il s’agit du principe Soufre ! Pour ma part, j’ai choisi de l’utiliser, quitte à faire preuve de prudence dans la consommation de l’Elixir !
Le sel blanc de la plante sera calciné au four à émaux, jusqu’à obtenir des reflets bleutés[image 20], signe de l’apparition du Soufre du Sel.
Conjonction des 3 Principes :
Le flegme initial, ainsi que la première huile, moins belle, ne seront pas utilisés.
Le sel est versé dans un flacon. Nous l’imbiberons d’une certaine quantité de Soufre. Le tout est laissé à digérer au soleil quelques jours jusqu’à ce qu’il y ait une bonne absorption de l’huile par le sel.
Verser ensuite, petit à petit, une certaine quantité d’Esprit, de telle façon que le mélange reste homogène, le sel permettant l’union des 2 principes opposés (et non miscibles) que sont l’Huile et l’Esprit. Laisser digérer quelques jours en étuve ou au soleil.
Quand le résultat parait homogène, verser sur ce mélange un bon Spiritus Vini, environ l’équivalent de 5/6 fois le mélange initial ou jusqu’à remplir la moitié du flacon. Nous obtenons alors un élixir de tartre d’un rouge sombre profond.
Laisser digérer quelques jours… et pourquoi pas 40 jours ?

Utilisation :
Ne pas l’utiliser pur ! Ne serait-ce qu’à cause du goût !
Pour les raisons évoquées plus haut, il semble prudent de l’utiliser en dilution homéopathique basse, par exemple D2 ou D3, c’est-à-dire dilué au centième ou millième. Ne pas oublier de « dynamiser » à chaque dilution. Essayer 1 à 3 gouttes par jour.

Propriétés :
Si l’on en croit certains auteurs, anciens ou modernes, l’Elixir de tartre enlèverait tous les calculs et cristallisations du corps. Il serait donc indiqué pour les rhumatismes, calculs divers, artères « encombrées ». Il semblerait donc utile en prévention de l’infarctus du myocarde… 
Notons que le vieillissement serait dû à des cristallisations et de l’acidité… Le tartre redonnerait aussi de l’énergie… Conjoint à la teinture d’antimoine, il aurait une action anti-infectieuse (voir la composition du remède « Epidemik » de Soluna).
Nous laissons, bien entendu, la responsabilité de ces affirmations à leurs auteurs… !

Jean Dupont-Davygnon.