LA ROSÉE

La première chose à faire consiste à tordre le cou à la légende persistante qui veut que la rosée monte le long des tiges des plantes, ou soit une exsudation des végétaux (avez-vous déjà vu une exsudation de pare-brise ? ).
La rosée est une condensation de l’humidité contenue dans l’atmosphère, elle est en moyenne de 10g. par mètre cube en été et de 5 en hiver.
Explication :
En fonction de sa température, l’air peut contenir un certain pourcentage de vapeur d’eau. Ce maximum (100%) détermine la limite au-delà de laquelle l’humidité se précipite au sol (brouillard, rosée, pluie) ou forme des nuages.
Si la température de l’air vient à baisser, à taux d’humidité constant, il arrive un moment où le point de saturation (qui est plus faible à température plus basse) est atteint provoquant la précipitation d’une partie de l’humidité, maintenant ainsi l’équilibre.
Les conditions atmosphériques propices à ce phénomène ont de tous temps été remarquées par les alchimistes et signalées symboliquement. Soleil présent la journée et Lune visible la nuit, nous ajouterons une totale absence de vent.
Le déclenchement du phénomène est simple. La nuit par ciel clair, le sol échauffé la journée, se refroidit rapidement en rayonnant sa chaleur en infrarouge. L’air proche du sol participe à cette baisse de température et son pourcentage d’humidité qui est resté constant, devient trop élevé pour cette nouvelle température, donc l’excédent se dépose. Ce phénomène n’a donc lieu que dans une couche avoisinant le sol, et quand les conditions énoncées ci-dessus sont remplies.
Les saisons propices à ce que soit atteint ce POINT de ROSÉE sont le printemps, (entre le Bélier et le Taureau) avril mai juin et le mois de septembre.
Pour un taux d’humidité de H% et pour une température de l’air T, on a de la rosée dès que la couche d’air près du sol descend à ce Pr point de rosée.
Quelques exemples :
Pour H = 90%
T20 Pr18,3 – T18 Pr16,3 – T16 Pr14,4 – T14 Pr12,4 – T12 Pr10,4 – T10 Pr8,4 – T8 Pr6,5 – T6 Pr4,5.
Pour H = 80%
T20 Pr16,5 – T18 Pr14,5 – T16 Pr12,6 – T14 Pr10,6 – T12 Pr8,6 – T10 Pr6,7 – T8 Pr4,8 – T6 Pr2,8.
Pour H = 70%
T20 Pr14,4 – T18 Pr12,4 – T16 Pr10,5 – T14 Pr8,6 – T12 Pr6,7 – T10 Pr4,8 – T8 Pr2,9.
Pour H = 60%
T20 Pr12,0 – T18 Pr10,1 – T16 Pr8,2 – T14 Pr6,4 – T12 Pr4,5 – T10 Pr2,6.
Pour H = 50%
T20 Pr9,3 – T18 Pr7,4 – T16 Pr5,6 – T14 Pr3,7 – T12 Pr1,9.
Pour H = 40%
T20 Pr6,0 – T18 Pr4,2 – T16 Pr2,4.
On se rend compte également des conditions qui font que ce n’est plus de la rosée, mais de la gelée blanche qui se dépose, il peut geler la nuit en plein Sahara.
Pourquoi les alchimistes ont toujours privilégié la rosée, au lieu de l’eau de source ? La rosée, (ainsi que l’eau d’orage) contient des « Nitres » naturels, résultat des décharges de la foudre qui synthétisent des composés à durée de vie variable (nitrates au sens chimique, chlorures, ammoniac etc.) ces composées récupérés dans le Sel de Rosée ont un comportement qui ne se retrouve pas dans les produits chimiques habituels. Ils sont plus solubles et sont moins permanents, les alchimistes les fortifient en les exposant à la lumière de plusieurs lunes montantes successives, tout en les protégeant de la lumière solaire.
Récolte :
Le moyen classique, consiste (à l’abri de la lumière du jour) à traîner sur l’herbe un linge parfaitement lavé et rincé dans de nombreuses eaux de source ou de pluie, puis déminéralisée. Il est impératif de faire disparaître toutes traces de lessives.
Il existe un très grand nombre de variantes, allant du linge tendu sur des piquets, (voir le Mutus Liber et notre photo d’un essai destiné à l’aide d’un linge de 2 mètres carré exactement, de chiffrer le dépôt de rosée) à l’aspirateur en passant par le drap de bain pour essuyer les plantes.
On récolte aussi les gouttes portées par les feuilles d’alchémille (alchemilla santhochlora, manteau de Notre-Dame, cette plante doit son nom aux alchimistes. Voir notre photo.) ou stockées à la naissance des feuilles du chardon carde (Dipsacus fullonum, cabaret des oiseaux, cardère à foulon), en automne.
Il faut garder à l’esprit qu’à l’époque où nous vivons la rosée n’est plus ce qu’elle pouvait être à la grande époque des alchimistes. Celle que nous récoltons est plus riche en pesticides, engrais nitrés, soufre des cheminées d’aciéries, sans compter les retombées radioactives, que de produits canoniques.
Pour minimiser ces inconvénients sans parvenir à les éviter , il faut de préférence trouver un lieu dans une zone encaissée, relativement protégée des vents chargés de polluants. Une zone entourée par des forêts ou un flanc de montagne (orienté à l’est pour que le Soleil s’y lève plus tard), réservé à la transhumance, donc un peu à l’écart des activités agricoles.
Il faut filtrer cette rosée rapidement, et une fois au domicile la re-filtrerdans l’obscurité plusieurs fois et la conserver dans du verre.
La récolte est très variable en quantité, on peut rester plusieurs années sans que la possibilité de récolte se présente. Nous n’avons jamais pu approcher, même de loin notre record de 92 litres à quatre personnes en une seule sortie.
La plus grosse difficulté est de mettre sur pied une expédition à plusieurs (il vaut mieux être deux pour tordre efficacement le drap) la météo est rarement favorable, et quand elle l’est c’est au moins un des participants qui fait défaut !
Le problème du lever tôt n’est pas à négliger. Et, pour une personne condamnée à aller gagner sa vie, il est pénible de ne pas être disponible les jours favorables à la cueillette.
En résumé, le moyen classique permet une récolte importante pour des alchimistes en pleine forme et disponibles, mais peu souvent. C’est tout de même très agréable d’assister au lever du soleil en pleine nature.
      Pour tenter d’échapper à ces contraintes, des alchimistes se sont tournés vers le froid artificiel, puisque c’est l’agent qui provoque la condensation de la rosée.
Vous pouvez voir une photo de bouteilles remplies de saumure, passées au congélateur, elles tiennent la nuit et se recouvrent de givre. La récolte est faible et il faut tout de même les rentrer pour que le givre fonde à l’abri de la lumière.
Une autre solution est de récolter en continu la rosée qui se dépose. Nos photos montrent un dispositif autonome (pouvant être placé dans un endroit de faible surface, mais répondant aux souhaits de l’alchimiste). Il est pourvu d’un essuie-glace de vitre arrière de R5, et d’un boîtier contenant une petite batterie au plomb (pour son indépendance énergétique) et d’un circuit électronique, il suffit de passer sur marche 12 heures avant le lever de soleil suivant (heure fournie aux infos météo). Le circuit commande une veille de 6 heures, puis un coup d’essuie-glace toute les trente minutes, pendant 6 heures. La rosée (pas plus de 120 ml de moyenne, mais tous les jours favorables, fériés ou non) est très bien filtrée (coton dans toute la tige de l’entonnoir collé étanche au bouchon) puis stockée dans un flacon à l’abri de la lumière, voir photos.
        Dans le même ordre d’idée, on peut faire tourner très lentement (ou par courtes séquences) un cylindre d’inox, un gros tuyau de poêle, ou une tourie de verre, ( Celle représentée, de 15 litres développe près de 80 cm de circonférence par 30 cm de long.). Le balai d’essuie-glace ne convient pas ici, il faut utiliser une brosse nylon « vendue pour éviter les courants d’air sous les portes », on en trouve de 90 cm de long et le frottement est très faible même en passant sur la soudure longitudinale du cornet de poêle. .
      Il ne vous restera plus que la phase la plus longue et délicate : la distillation goutte par goutte. La photo montre l’adaptation d’un bec de cornue en faïence sur un bocal de 1,5 litre chauffé par un plongeur, le tout à l’abri de la lumière, (le bocal est dégagé pour la photo).
Paul Melleret