LE NITRATE D’ARGENT

SUR NOS RAYONNAGES ON TROUVE : Du nitrate d’argent.

 Argentum nitricum, pierre infernale, nitrate d’argent. En anglais : Silver nitrate toughened, Lunar caustic, Nitric acid silver, ou Silver mononitrate.
Sa formule moléculaire est AgNO3, sa masse molaire 169,89, sa densité est de 4,352, sa solubilité est de 2190 g. dans 1 litre d’eau à 20° C., son point de fusion est 212° C., son point d’ébullition 444° C.

Le Nitrate d’argent (vendu une petite fortune dans le commerce), s’obtient facilement en faisant agir de l’acide nitrique sur de l’argent. Le métal utilisé pour la préparation du nitrate d’argent ne doit pas être nécessairement pur.
Le principe de l’opération réside simplement dans le fait que le nitrate d’argent est soluble dans l’eau, alors que le nitrate de cuivre (lorsqu’il a été oxydé) ne l’est pas.

Nous allons utiliser des pièces de monnaie en argent, les ½, 1, 2 ou 5 francs – antérieures à 1970 – titrant 830 millièmes d’argent pur. Les 10 ou 20 francs Turin titrant 680 millièmes d’argent pur – (attention à ne pas prendre les Turin postérieures à 1939 qui sont en cupronickel). 
On peut prendre des couverts de table, en argent massif, ils sont généralement titrés à 925 millièmes ; le poinçon représente une tête Minerve pour l’argenterie contemporaine. Evitez toutefois d’utiliser des alliages très pauvres en argent ou du métal simplement plaqué ; dans ce dernier cas, grattez ou limez la couche argentée pour augmenter la teneur de la partie à traiter.

PRATIQUE :
Divisez en petits fragments, à l’aide d’une cisaille, 50 grammes de votre métal, [image 1]vous obtiendrez ainsi par la suite environ 60 à 70 grammes de nitrate d’argent.
En principe, il suffit de prendre en acide le double du poids d’argent et de l’étendre du même poids d’eau pour pratiquer l’opération. Cependant, nous avons pour habitude d’agir en plusieurs fois, (25 g. à la fois, pour ne pas avoir un important dégagement de vapeurs rutilantes en une fois). Pour une quantité plus importante, il est de plus indispensable de refroidir le récipient. 
Nous préparons, (en versant l’acide dans l’eau et non l’inverse) un mélange de 100 cc d’eau distillée et de 100 cc d’acide nitrique à 68 %. Nous répartissons à parts égales notre alliage d’argent et notre mélange acide dans des coupelles porcelaine coiffées d’un entonnoir qui laisse partir les vapeurs, mais permet de récupérer les micro-gouttelettes éjectées par la surface du liquide [image 2] par la violence de la réaction.
Ces vapeurs rutilantes nous obligent à opérer en plein air et à porter un masque en plus des lunettes et des gants. Une fois que le dégagement visible de vapeurs a cessé, il faut laisser durant plusieurs heures la réaction se poursuivre à température ambiante en remuant de temps en temps avec une tige de verre. La réaction une fois totalement calmée, il reste en général un peu de métal non attaqué. On regroupe le contenu des coupelles et on chauffe avec précaution sans dépasser 50° C [image 3].

      On laisse se faire la réaction qui se traduit cette fois par la dissolution totale de notre alliage. On filtre ensuite, [image 4] (avec un peu de coton bien pressé dans le tube d’un entonnoir) le liquide d’un beau bleu.
Le nitrate de cuivre seul est de couleur verte, [image 5] éprouvette de gauche. On peut voir,[image 6] le résultat de la dissolution de 500 grammes d’alliage. 
On remet la solution à chauffer, sans atteindre l’ébullition, pour en réduire le volume. Votre nitrate, privé ainsi de la plus grande partie du liquide excédentaire, cristallise au refroidissement[image 7]. Dans cet état, [image 8] votre sel, (il est hygrométrique) demande en premier à être privé de l’acide libre qu’il contient encore. Il est impératif de le fondre par petites (j’insiste sur le mot) portions (chauffage progressif et juste suffisant, pour ne jamais dépasser 300° C.) dans une capsule de porcelaine, choisir la plus plate possible. L’acide restant, sous forme de vapeurs rutilantes (très dangereuses à respirer et très corrosives sur l’environnement métallique de votre labo), se dégagera, puis à partir de 220° C. environ, votre nitrate se gonflera avant de fondre totalement [image 9].
      Il devra être remué et étalé contre les parois de la coupelle. On peut couvrir cette coupelle pour y concentrer la chaleur, mais non la boucher, le principe étant de laisser s’oxyder naturellement le nitrate de cuivre en présence de l’oxygène de l’air. 
On remue et on étale périodiquement le mélange pour qu’il soit uniformément présenté à l’air. On obtient un mélange pulvérulent (s’il est riche en nitrate de cuivre) qui doit virer au noir profond [image 10] sans aucune trace de couleur verte. On récupère par lavage et séchage cette poudre et on la passe au mortier [image 11] pour l’examiner et écraser les grains pouvant cacher de la teinte verte, (si c’est le cas, reprendre la cuisson de la poudre). Si le cuivre n’était qu’en faible proportion, le mélange restera liquide à chaud et se prendra en bloc au refroidissement.
Si au fond de votre coupelle rincée il reste un culot de nitrate encore coloré, c’est que vous aviez mis trop de matière dans votre coupelle et que l’oxydation est restée superficielle.
Pour séparer votre nitrate d’argent de celui de cuivre, il suffit d’additionner d’eau distillée votre poudre ou de dissoudre le culot et de filtrer sur du coton bien tassé dans le tube de petit diamètre d’un petit entonnoir. Bien rincer le filtre pour ne pas perdre de nitrate, laisser décanter quelques jours et refaire une deuxième filtration si nécessaire, le liquide (nitrate d’argent en solution) doit être limpide et incolore.
Une remarque : utilisez le moins de coton possible pour ces opérations, car il retient toujours un peu de votre précieux liquide. C’est pour éviter cette perte que nous excluons l’utilisation des filtres papier qui s’imbibent sur toute leur surface.
La solution est ensuite concentrée par évaporation à faible température, elle laisse, au froid, progressivement déposer le nitrate [image 12] que l’on récupère au fur et à mesure. 
C’est l’épreuve de vérité ! Si votre nitrate est encore coloré, c’est qu’il y a du nitrate de cuivre qui n’a pas été complètement oxydé (coupelle trop profonde ou contenant trop de nitrate). Il faut donc reprendre à partir de l’opération d’oxydation. Ce problème se présente surtout quand il y a beaucoup plus de cuivre que d’argent dans l’alliage utilisé.
La question à se poser au départ, est de savoir quel degré de pureté vous est indispensable.
PRECAUTIONS : 
Veillez à ne jamais quitter vos gants, car il n’est pas rare qu’une goutte de solution de nitrate mouille l’extérieur d’un Bécher, et si c’est le cas, vos doigts seront (même bien et rapidement lavés) tâchés de manière indélébile d’un beau noir, vous n’en souffrirez pas si la tache est limitée, (en cas de brûlure consultez un médecin) mais il vous faudra attendre le renouvellement naturel de votre peau. N’oubliez pas qu’on utilisait il n’y a pas si longtemps des crayons de nitrate pour marquer le linge.
Le nitrate d’argent était appelé pierre à cautère (ou pierre infernale) et servait à brûler les verrues. Il est encore parfois utilisé à cet usage sous forme de crayon. Attention, c’est un produit très corrosif qui peut causer des brûlures graves de la peau ; il ne faut jamais l’ingérer car il provoquerait de graves brûlures de la bouche, de la gorge et de l’estomac. En cas d’ingestion, appeler un médecin d’urgence.
En cas de projection dans l’œil, le rincer avec beaucoup d’eau pendant 15 minutes, en soulevant occasionnellement la paupière et consulter un ophtalmologue d’urgence.
Indépendamment des dangers que ce produit représente pour l’homme (peau, œil, muqueuses etc.), c’est un produit dangereux qui peut enflammer des matières organiques par simple contact. Il réagit avec l’ammoniac pour produire des matériaux sensibles au choc mécanique. Il faut le conserver à l’écart des matières combustibles, organiques ou facilement oxydables, dans un endroit sombre, à l’écart de toute source de chaleur et d’ignition.

ARGENT :
Vous venez de sacrifier quelques pièces en argent, usées à ne plus en distinguer la gravure, mais que votre grand-mère avait thésaurisées pour vous. Vous avez aussi trouvé un usage pour quelques morceaux de fine chaînette dont les maillons cassent sans cesse et vous vous demandez bien ce que vous allez faire de ce superbe nitrate.
Si vous ne faites pas de la décoration sur porcelaine, ni votre papier photo, (il y a encore des amateurs) l’usage pour un alchimiste est d’en faire de l’argent métal.
Nous traiterons ce sujet dans un article à venir « Argent ».

Paul Melleret