CÉRAMIQUE I

Les Anciens construisaient eux-même leur fours et la plus grande partie de leurs vaisseaux.

Nous n’irons pas si loin, mais il est tout de même fort possible de réaliser des pièces très simples en porcelaine ou de préférence en grès par « coulage ».Nous allons cette fois décrire la fabrication d’un plat destiné à recevoir la plante au sortir du soxhlet ou du ballon où son soufre lui a été retiré. Cette plante est, dans notre cas, destinée à être transformée en cendre (presque blanche) par un passage à 650° C environ dans un four.

Les spagiristes possèdent souvent un petit four à émaux qui convient bien à cette opération [image 1].
Le récipient utilisé ne doit sutout pas être émaillé, ce qui est parfait pour cet usage. Nous avons choisi pour ce plat des dimensions convenant au plus petit (et le moins côuteux) de ces fours.

Détail des opérations :

En premier lieu, il nous faut disposer d’une forme reproduisant l’extérieur de la pièce que nous cherchons à obtenir. Nous avons [image 2] opté pour une forme en bois passée (deux couches avec séchage entre les deux) à la TRENNEMULSION W165 (un produit CERADEL) pour lui éviter de pomper l’eau du plâtre que nous allons utiliser. Une des formes est réalisée avec un coin coupé pour pouvoir y former [image 3] à l’aide de plastiline (pâte à modeler industrielle ferme) l’empreinte d’un bec verseur.
Ensuite, nous allons réaliser un moule en creux à partir de cette forme avec du plâtre. Le bloc de plâtre, comme nous l’expliquerons plus tard, doit être massif. Nous ajouterons donc 5 cm à toutes les dimensions de la forme pour réaliser une sorte de boîte destinée à la coulée. Le plâtre se faufilant dans le moindre espace, il convient de colmater soigneusement tous les joints, nous utilisons de la simple pâte à modeler [image 4].



Pour ne pas gaspiller trop de plâtre, nous allons nous livrer à un petit calcul de la quantité de mélange plâtre et eau à mettre en œuvre.
Le volume à remplir de plâtre liquide est dans notre cas de 2,880 litres. Nous arrondissons à 3 litres.

Sachant, par expérience personnelle, que la bonne proportion pour remplir un volume de 1 litre est voisine de 1 kg de plâtre dans 700 grammes d’eau, on a donc besoin de 3 kg de plâtre et de 2,1 litres d’eau.

L’eau sera versée dans une cuvette. Pour éviter les grumeaux, le plâtre sera saupoudré régulièrement sur toute la surface de l’eau au travers d’un tamis à l’aide d’une cuillère. Quand tout le plâtre est passé, on le mélange rapidement à l’eau en évitant d’introduire de l’air. Dès que le mélange présente l’aspect de crème, on en verse lentement une partie sur le modèle en bois, jusqu’à le recouvrir (cette façon d’opérer est destinée à crever les éventuelles bulles d’air). Ensuite, on peut verser le reste à partir des coins de la boîte pour la remplir. On en tapote les côtés pour faire remonter les plus grosses bulles, et à l’aide d’une règle on égalise la coulée au niveau de la boîte [image 5].

Nota :

Si, pour des raisons pratiques, (volume à manipuler par exemple) vous désirez opérer le coulage en deux fois, il faut savoir que seule, la première coulée recouvrant le modèle a de l’importance. En l’effectuant sans tarder à la suite, la deuxième coulée, (un simple remplissage) peut être faite sans trop de précaution.

La prise se fait avec un dégagement de chaleur. Au bout de quelques heures, on retire les côtés de la boîte et on laisse sécher au moins 4 jours avant de décoller, bien verticalement, le bloc de plâtre de la plaque de base et du modèle [image 6]. Vous avez remarqué, sur les images, que le modèle possède des côtés inclinés (on dit que le modèle a de la dépouille). Cette dépouille est indispensable pour le démoulage d’avec le plâtre, et n’est utile que pour cette opération.

Principe du coulage :

On utilise un mélange liquide, « la barbotine ». Elle est disponible toute prête en sceau pour la porcelaine et en poudre à préparer pour le grès.
On verse cette barbotine (au travers d’un tamis relativement fin qui évite les grumeaux possibles et fait éclater les bulles éventuelles) de façon à remplir plus qu’à raz bord l’empreinte laissée dans le plâtre par notre modèle (le remplissage doit être fait de façon à obtenir un ménisque de barbotine au-dessus du niveau du moule pour bien alimenter le bord de la pièce). L’eau contenue dans la barbotine, au contact du plâtre, est pompée par ce dernier, asséchant ainsi une couche de barbotine plus ou moins épaisse en fonction du temps de contact et de la sécheresse du plâtre. Ce pompage de l’eau se traduit par une baisse de niveau et demande à compléter le remplissage de barbotine au fur et à mesure pour garder le ménisque.

Nota :

Après chaque coulage, le plâtre, en pompant l’eau, devient de plus en plus humide. Pour effectuer un seul coulage, une couche de 2 cm de plâtre serait suffisante. Nous avons choisi 5 cm pour, (lors d’un éventuel stage) pouvoir effectuer plusieurs coulages avant que le plâtre ne devienne trop humide dans la masse pour remplir son office.

On laisse la barbotine au contact du plâtre dans l’empreinte [image 7], un temps variable en fonction de l’état d’humidité du plâtre et de l’épaisseur de la couche de barbotine asséchée désirée. C’est l’épaisseur au moment du coulage de 1 à 4 mm maxi, (une couche d’épaisseur trop importante a tendance à se fendre au séchage) de cette couche qui déterminera après séchage complet et cuisson l’épaisseur de la paroi de l’objet.

Quand le temps, déterminé expérimentalement, (de 30 secondes à 30 minutes) est écoulé, on reverse la partie liquide de la barbotine avec précaution. Pour des pièces creuses, (vases, matras etc.) on laisse la barbotine liquide s’écouler complètement en calant le moule en position inclinée et tête en bas. Dans notre cas, dès que la barbotine ne coule presque plus, on repose le moule bien à plat de façon à ce que ce reste de barbotine pâteuse s’étale sur le fond de l’empreinte, augmentant ainsi légèrement l’épaisseur de cette partie vitale de la pièce.
Seule la partie en contact avec l’empreinte de plâtre est lisse, l’intérieur de la pièce est plus ou moins vallonné en fonction des traces laissées par l’écoulement de la barbotine.

En s’asséchant au contact du plâtre, la couche de barbotine est sujette à un retrait de toutes ses dimensions (de l’ordre de 3%) et se décolle de l’empreinte [image 8]. Dès que la pièce est suffisamment séchée pour être manipulée, on retourne le bloc de plâtre et l’on reçoit la pièce fragile dans la main.

Si le plâtre n’est pas trop humide, on peut refaire immédiatement une autre coulée. Après plusieurs opérations, le bloc de plâtre devra sécher complètement à l’air.

Après plusieurs jours de séchage, la pièce étant moins fragile, on rectifie les éventuels défauts et l’on égalise les bords à la toile émeri [image 9]. On en régularise la surface à l’aide d’une légère éponge humide [image 10]. On laisse la pièce sécher plusieurs semaines à l’abri des courants d’air. Ensuite, dans notre cas, on fait une pré-cuisson (dégourdi). On passe lentement de l’ambiance à 900°C par exemple, ce qui permet de rendre la pièce manipulable. Lors de la cuisson définitive, le retrait à partir de la forme du moule (dit « de moule à cuit ») atteint une valeur d’environ 8 %, nous en avons tenu compte au moment de la création du modèle bois.

Préparation de la barbotine :

La barbotine utilisée pour réaliser des pièces en porcelaine est disponible prête à l’emploi.

Celle qui est utilisée pour obtenir des pièces en grès (produit qui a notre préférence) doit être préparée à partir de poudre achetée en sacs. La poudre de coulage Céradel de référence GC304B ATOMISEE coûte environ 1,60 euro TTC le kilo (par sac de 25 kg). Céradel préconise d’effectuer le mélange dans la proportion de 0,45 litre d’eau pour 1 kg de poudre.

Le mélange s’effectue en saupoudrant la poudre sur l’eau agitée énergiquement à l’aide d’un mélangeur [image 11]tout en évitant d’introduire des bulles d’air. Pour maitriser la fludité de la barbotine,(dépendante de la qualité de l’eau) nous conseillons l’eau de pluie, qui est toujours « non calcaire ».

Cuisson finale :

C’est le problème le plus délicat. Le four électrique de 51 litres 1280°C du siège social est destiné à être revendu. J’ai un accord avec Céradel Lyon pour une cuisson limitée à 1260°C (ce qui est bien suffisant), mais pour une question de rentabilité (paiement à la cuisson) il faut avoir de quoi remplir leur four. Uniquement pour la pièce objet de cet article, la cuisson à 900°C (pour un usage à 650°C) est suffisante, le prix de revient de cette pièce (de l’ordre de 20 centimes de matière) permet sans regret de la jeter en cas de casse (Dans ce cas particulier, la cendre peut être récupérée au pinceau dans le four). Par contre, pour des objets « cornues » par exemple, dont la qualité doit être parfaite, une cuisson à 1600 ou mieux 1800°C est indispensable. Vous devez donc, au cours de vos promenades, visiter les potiers qui font leur publicité le long des routes. Seuls les potiers travaillant le grès nous intéressent, parlez-leur de vos besoins, (en général les artisans sont très réceptifs et adorent parler de leur métier) et s’ils font la cuisson au bois, vous aurez des pièces cuites avec du sel (de cuisine) qui auront une belle patine couleur grès [image 12] due à une réaction chimique. Les résistances des fours électriques n’appréciant pas le sel, les pièces qui y sont cuites restent blanches.

En genéral, nos petites pièces se logent entre les pièces importantes des potiers sans modifier la charge de leur four. Il m’est arrivé de faire cuire ainsi une trentaine de petits pots pour 5 euros de façon. Par contre, leurs cuissons étant très espacées dans le temps, j’ai dû patienter presque un an pour bénéficier d’une cuisson au bois à 1280°C.

Paul Melleret pour Les Amis de l’Alchimie.