MATÉRIEL de SPAGIRIE I.

      Notre association s´est spécialisée dans « l´aide aux débutants ». Certains en spagirie (ou spagyrie) par exemple, doivent débuter sans aucune connaissance préalable du matériel qu´ils devront acquérir pour se lancer dans cette trės prenante activité.
Au risque de faire sourire ceux qui ont déjà un petit labo, nous allons partir de rien et décrire le matériel que ces débutants (je ne connais aucun spagiriste confirmé n’ayant pas débuté un jour) seront amenés à manipuler lors de stages. Ces stages sont à notre avis indispensables avant de se lancer dans les dépenses, s´ils décident de poursuivre l’aventure.

Tout d’abord, il y a lieu de préciser la différence entre la spagirie et l´alchimie souvent confondues sous ce dernier vocable.
Le principe (étymologiquement en grec) de séparer pour réunir (aprės purification) qui a donné le mot spagirie est aussi utilisé en alchimie. Cependant, la spagirie se consacre uniquement à la santé du corps sans but initiatique.

Le lien entre la matière travaillée et l´opérateur est très lâche en spagirie et ne pose pas de problème de qualité et d´engagement psychique du manipulateur.

Ce sont les énergies des plantes, en général, qui agissent au travers des préparations spagiriques et non l´effet chimique habituellement exploité pour créer les médicaments.
Les noms des constituants tirés des végétaux n´ont aucune parenté avec les produits de même nom connus du public.

Ces noms (les mêmes qu´en alchimie) doivent être pris comme les noms propres des produits séparés par nos opérations, sans référence au sens commun des mots. On extrait l´huile essentielle que l´on nomme « soufre », la partie alcoolique que l´on nomme « mercure » et la partie fixe purifiée que l´on nomme « sel » qui est un aimant pour les énergies. En spagirie, il est très difficile de faire fermenter la grande majorité des plantes. On se contente donc de l´alcool de la vigne pour faire une extraction alcoolique (teinture) qui portera le nom de « mercure de la plante ». Pour œœuvrer il faut un matériel simple, (très propre) mais malheureusement coûteux pour un débutant encore incertain de son engagement dans cette voie.

Le matériel

Généralement, lorsqu´on évoque le matériel, le premier instrument dont le nom vient à la bouche du candidat est ALAMBIC.

C´est un mot qui semble magique car il fait rĉver à des préparations secrètes en train de s´élaborer dans le fond de la sombre cave d´un alchimiste. Il faut signaler que la possession, sans déclaration, d´un alambic capable de produire de l´alcool est strictement interdite à un particulier. Comme nos instruments sont incapables de cette production à un prix raisonnable, l´administration n´a rien à craindre des spagiristes.

Je propose cependant de partir d´alcool du commerce (eau de vie ou cognac par exemple), quitte à en augmenter le degré en retirant une partie de son eau par la suite, comme l´expliquent nos précédents articles.

Si Geber parle de l´alambic au XIIIe siècle, on peut faire remonter son usage au XIIe siècle avec l´alchimie arabe. Ce n´est pas l´alchimie qui popularisa cet instrument, ni au début la production d´alcool, mais l´énorme engouement pour l´eau de rose distillée à partir des pétales de cette fleur. Cette eau de rose utilisée à-peu-près pour tout (toilette, médecine, cuisine,…) fit qu´un très grand nombre d´alambics se retrouva en possession de bourgeois pour la production domestique de cette fameuse eau de rose indispensable à l´étalage d´un certain train de vie.

Sans supplanter dans le public la distillation de l´eau de rose, on voit (enfin direz-vous) apparaître la production d´un peu d´alcool. On n´est plus dans l´usage populaire, mais dans celui des apothicaires qui produisent ce produit pour soigner (empiriquement) toutes sortes de maladies. À partir des XIIe jusqu´au XVe siècle, on voit donc produire en petites quantités l´aqua ardens, l´aqua vitae, puis avec la « redistillation » l´aqua perfecta à la septième distillation et l´aqua perfectissima à la dixième, (on peut estimer cette dernière titrant environ 90°). On utilise tout de même dès cette époque un peu d´alcool en cuisine pour flamber des plats ou même des pâtisseries.

Cependant, c´est vers le XVIe siècle que se répand la distillation des boissons fermentées, en particulier à partir de vins de mauvaise qualité qui trouvent ainsi un débouché (comme de nos jours).

Les premiers alambics furent produits sous des formes très variables, les appareils domestiques en verre à fond épais ou en céramique, tous deux de petite taille, de 10 à 30 cm de hauteur furent parfois décorés ou réalisés avec des formes plus artistiques que fonctionnelles. Ils étaient conçus pour le prestige de leur propriétaire. Les apothicaires perfectionnèrent les alambics pendant des siècles (de nombreuses images figurent dans nos ouvrages d´alchimie) [Image A]. De mini-alambics étaient encore réalisés au XIXe siècle [Image B].

      Les alambics, spécialement conçus pour la fabrication de l´alcool, sont réalisés cette fois en cuivre [Image C] et de toutes formes. Ils se généralisèrent dans nos campagnes, déclenchant dès 1687 l´application d´une taxe sur les alcools. Au travers du fouillis des règlements, des taxes et des privilèges, nos communes rurales furent tout de même visitées régulièrement par des bouilleurs ambulants (1) avec leur drôle de machine [Image D]. Finalement les alambics modernes répondent toujours au principe du modèle classique [Image E] d´où dérivent les instruments professionnels, beaucoup plus sophistiqués, utilisés par l´industrie de nos jours.

L´alambic se compose

  • D´un récipient contenant le produit à distiller, la « cucurbite » qui est chauffée.
  • D´un « chapiteau » où se condense la vapeur en provenance de la cucurbite, il présente une gorge destinée à recueillir la partie liquide provenant de la condensation.
  • D´un « bec » plus ou moins long où se déverse le liquide en provenance de la gorge du chapiteau.
  • D´un « serpentin », prolongement du bec, immergé dans un milieu réfrigérant, en général de l´eau renouvelée pour rester froide.

C´est ce principe que nous allons utiliser pour effectuer l´extraction hydraulique du soufre des plantes. Ce soufre des spagiristes se nomme communément « huile essentielle », nous l´abrégerons par la suite sous le sigle HE.
Comme nous l´avons vu, il nous faut une cucurbite. Nous avons des choix mais aussi des contraintes.

Les charges de plantes à y loger sont volumineuses et composées de fragments parfois pénibles à rendre plus petits. Je m´explique : le rendement (2) en HE des plantes est extrêmement faible et il est illusoire de vouloir travailler avec une cucurbite de 1 litre par exemple. D´autre part, la plante découpée en fragments doit être introduite dans la cucurbite et surtout être ressortie en fin d’opération ; des feuilles d´eucalyptus, par exemple, même coupées en 4 sont extrêmement difficiles à sortir par le rodage (même de gros diamètre) d´un ballon.

Le végétal peut se présenter sous forme de racines, tiges, feuilles, fleurs ou graines. Son état peut être vert ou sec ; dans ce dernier cas, il peut même être sous forme de poudre impalpable. On pratique en général une macération dans l´eau durant 24 heures avant la mise en chauffe.

Un cas particulier : si la plante achetée se présente en poudre très fine, (l’alchémille par exemple) il faut savoir que ces poudres se comportent comme de la farine dans de l´eau. Il faut les mixer avec cette dernière pour éviter une prise en bloc comme du mastic lors de leur gonflement. Il est impératif de ne distiller qu´un mélange bien liquide.

La cucurbite doit être chauffée, cela semble évident. On peut opter pour le feu nu, la plaque chauffante électrique, le bain-marie d´eau, d´huile ou le bain de sable. Cependant, la plus pratique et moderne des solutions est le chauffe-ballon.

Pour ce qui est de la cucurbite, son volume ne saurait être inférieur à 4 litres ; 6 litres est une bonne solution. Pour le passage des plantes, un rodage de 45 x 40 est le minimum admissible si on utilise un ballon (et un fil de fer pour le vider péniblement). La solution est de travailler avec un réacteur ayant un diamètre de passage de 100 mm. Vous bénirez votre choix quand vous passerez sans problčme la main à l´intérieur pour le vider ou le nettoyer.Avant de poursuivre, il faut faire un choix : l´eau sous forme de vapeur sortant de la cucurbite entraine l´HE, il y a deux solutions :

À eau perdue :
On recueille l´eau et l´HE mélangées, la cucurbite se vide peu à peu (avec le risque de brûler son contenu).

Après condensation de la vapeur, il faut séparer l´HE de l´eau. On utilise une ampoule [Images F et G], le bon vieux vase florentin [Image H] ou sa version plus moderne l´essencier [Image I] (image provenant d´internet, je n´en ai pas à photographier). Cette eau (parfumée si c´est de l´eau florale) n´est pas forcement toujours perdue, elle peut être remise dans la cucurbite (dont on a cessé le chauffage) pour poursuive la distillation ou en entamer une autre.

      Ces opérations de recyclage ne sont pas pratiques et sont généralement employées uniquement pour des raisons de réduction de l’investissement initial. Cette recherche du faible investissement conduit souvent à utiliser un ballon ou une cocotte-minute pour générer de la vapeur qui est ensuite injectée dans un autre ballon contenant la plante. Cette vapeur est ensuite condensée (grâce à un chiffon mouillé) comme le montre l’image F. On utilise de la même façon une cocotte-minute qui contient cette fois plante et eau.
Dans ce cas, je préconise, sur une cocote récupérée sur une brocante, de faire placer par votre plombier une sortie spéciale sur le couvercle de cette marmite [Image J avec son détail]. Son but : ne pas monopoliser la sortie équipée de la soupape tournante pour lui laisser sa fonction de sécurité. La vapeur, en s’évacuant avec force, pouvant éventuellement entraîner avec elle un débris de végétal obstruant. Ce principe d’eau perdue pourra aussi se retrouver avec des cornues ou des réacteurs.

À eau recyclée :
C’est la méthode la plus commode et la plus simple. La vapeur condensée laisse déposer l´HE. L´eau retourne automatiquement dans la cucurbite. Il n´y a pas de perte d´eau (donc pas de risque de brûler la matière) et le processus peut s´étaler sur de nombreuses heures, avec un simple coup-d’œil de temps à autre pour constater le moment où la quantité d´HE recueillie n´augmente plus, ce qui montre que l´extraction est achevée.

Cette énorme simplification est due à la présence d’un séparateur d’huile et d’un réfrigérant à reflux. Pour information, le séparateur d’huile (qui ne figure pas dans les catalogues de verrerie) est réalisé par un verrier sur nos plans [Image K], en commandes groupées.

      Ce séparateur est surmonté d´un réfrigérant qui condense la vapeur sans la laisser sortir par le haut (ne jamais boucher le haut d’un réfrigérant). Le réglage du refroidissement et du débit de vapeur sont à adapter, de façon que cette vapeur ne monte pas plus haut que la demi-hauteur du réfrigérant. Ceci se constate facilement visuellement. L´eau chargée d´HE goutte du bas du réfrigérant dans le séparateur d´huile. Cette HE, généralement moins dense que l´eau, se rassemble dans le tube [Image L]. Quand l´opération est terminée, par la commande du robinet on la récupère sans eau.

J´ai dit, »généralement moins dense que l »eau » c´est vrai, mais il existe quelques HE plus denses que l´eau et qu’il faut récupérer dans le bas du séparateur. Les HE sont aussi généralement non miscibles avec l´eau et se rassemblent nettement à part. Pour certaines, peu nombreuses, une petite fraction se retrouve tout de même en solution dans l´eau. Pour réduire à presque rien cette fraction, il suffit d´ajouter du sel de cuisine pour que la séparation soit presque parfaite. C´est le « relargage ».

Nous terminerons par notre énumération du matériel à acquérir :
 Un réacteur sphérique de 6 litres de capacité [Image M].

     Un chauffe-ballon de 6 litres. Il vous faudra pouvoir régler son chauffage par un triac ou un autotransformateur. Ces accessoires sont d´usage général pour pratiquement tous vos travaux au labo.
 Une tête de réacteur avec une sortie centrale en 29 x 32 Rodaviss, et une prise latérale pour thermomètre (non indispensable pour l´HE, mais très utile pour d´autres usages). Une prise thermomètre est livrée avec un bouchon percé, et deux ou trois joints percés adaptés aux différentes tiges de thermomètre. N’oubliez pas de demander en plus un bouchon fermé, et un joint non percé, pour pouvoir travailler sans thermomètre.
Les verriers réalisent les têtes de réacteur à partir d´ébauches pleines. Il vous est donc possible, sans une trop importante majoration du prix, de faire exécuter la tête qui vous convient.

Il y a dans ce domaine un très grand nombre de variantes possibles [Images N O P].
On utilise un dispositif de fermeture [Image Q] (voir également l´image M adapté au réacteur (joint plat ou joint torique). Dans le cas du joint plat, il est indispensable de posséder un tube de graisse silicone qui est de toutes façons un complément utile dans tout labo.

     Un séparateur d´huile avec ses deux cônes en 29 x 32 Rodaviss,(image J plus haut).
 
Un refroidisseur à reflux, avec cône du bas en 29 x 32 Rodaviss. Nous préconisons le type Dimroth [Images R et S] : on distingue la pointe où se rassemblent les gouttes provenant de la condensation avant de tomber dans le séparateur d’huile. Ce refroidisseur sera indispensable également pour d’autres opérations.
     Un statif et deux pinces et leurs deux noix de serrage [Images T et U] sont indispensables pour tenir l’ensemble.
     Un circuit d´eau de refroidissement (utilisez de l´eau déminéralisée sans calcaire). Nous proposons d´utiliser une pompe pour aquarium pouvant être placée de deux façons : elle peut être de très faible puissance [Image W] si elle est placée à la sortie d´une réserve d´eau (5 litres suffisent) disposée au niveau du haut du réfrigérant. Dans ce cas, elle n´a pour office que de faire circuler l´eau. Si par contre,la réserve est placée de façon (plus pratique) au sol ou au niveau du plan de travail, il faudra utiliser une pompe puissante, capable d´élever l’eau jusqu´en haut du réfrigérant (bien lire cette hauteur de refoulement sur le carton de la pompe avant tout achat).

Il est indispensable également de placer dans le circuit d´eau un indicateur de débit [image X] pour s´assurer que des bulles n´empêchent pas le refroidissement de se faire normalement, car le léger bruit de foctionnement de la pompe est le même dans tois les cas, (le débit de l´eau est totalement invisible sans cet accessoire). On remarquera que le circuit d´eau est réalisé en tuyau silicone très souple. Des raccords d´aquarium, équipés de robinets, permettent de débrancher le réfrigérant, tout en le laissant plein d´eau pour une prochaine utilisation.

      Ayant presque utilisé tout l´alphabet pour mes images, je vous donne rendez-vous à plus tard pour la suite.
Melleret pour Les Amis de l’Alchimie     
(1) À ne pas confondre avec le « bouilleur de cru » qui distille lui-même sa production, issue des fruits de son jardin par exemple.
(2) Quelques vagues idées du rendement en HE de quelques plantes. Ce rendement est variable avec la saison et même l´heure de cueillette ; la région de culture et surtout le type précis de plante quand il y a des variantes, (exemple des lavandes et lavandins).

Aneth,(le fruit) 4 kg pour 100 kg.
Carvi,(la graine) 5 kg pour 100 kg.
Girofle,(le clou desséché) 15 kg pour 100 kg. Son HE est plus dense que l·eau.
Lavande, 600 g. pour 100 kg.
Menthe, de 200 g. à 2 kg. Pour 100 kg.
Romarin, 1,5 kg pour 100 kg.
Rose, 1 kg d´HE pour 4 à 6 tonnes de pétales.
Sauge officinale, (feuilles et sommités fleuries) 1,5 kg pour 100 kg.