ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ALCHIMIQUE

ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ALCHIMIQUE POUR NÉOPHYTES.
LETTRE  À UNE LECTRICE.

Chère ****

Vous me demandez de préparer pour vous une bibliographie d’alchimie ; je le fais très volontiers, tout en pensant aussitôt au titre du livre de Martinez Otero sur Fulcanelli, très bien intitulé «  Une biographie impossible  » ; non pas impossible parce que l’auteur ne connaît pas son identité, mais à mon sens parce que cette personne sur qui il écrit est vivante ; la lettre tue et l’esprit vivifie, qui est dans les choses. Cette bibliographie impossible sous forme de liste, pour un fils de science en tout cas, je préfère donc vous la soumettre comme une missive de réponse.
Aujourd’hui j’ai reçu à mon courrier un texte peu connu de Ruska sur Quelques problèmes de littérature alchimiste, où notre érudit traite notamment du Livre de la Création ; autre titre parlant, résonant, même ; car le livre de la Création, cette création qui se poursuit, et dont d’une certaine façon l’alchimie est LA science, il est là, sous nos yeux, il ne tient qu’à nous de le lire et d’y extraire l’invisible du visible. Le meilleur livre d’alchimie est celui de la nature, qu’il convient de suivre.
C’est pour cela sans doute que les vieux sages disaient à leurs disciples « blanchis le laiton et brûle tes livres  » ; mais ces livres avant de les refermer, l’étudiant les a ouverts, il les a trouvés, ou ils l’ont trouvé, il a prié et médité sur leur contenu, il a travaillé sur leurs indications. Bien sûr il faut lire, et même relire, suivant l’adage classique : «  prie, lis, relis, (relie), travaille, et tu trouveras« . Lorsque l’élève est prêt, le maître vient, le livre aussi.
Je crois donc finalement que le meilleur livre d’alchimie, pour un néophyte, sera celui qui l’attirera, d’une façon que l’on peut certainement, comme Eugène Canseliet, qualifier de magique, c’est celui qui le grisera, qui le fascinera, comme un homme peut l’être par une femme, ou une femme par…un parfum ?
Et voilà pourquoi également, je considère que le même Canseliet voit juste quand il avance l’idée qu’un bon livre d’alchimie se doit d’être beau. Mais assez tourné autour de l’œuf des philosophes ; il y a dans les bibliothèques, rappelaient naguère Pauwels et Bergier, plus de cent mille manuscrits ou livres d’alchimie ; dans cette mine ouverte, par quelles pépites recommanderiez-vous de commencer une quête, m’interrogez-vous de nouveau ?
Je ne saurais être objectif sur ce point, et comme vous savez, étant entré en alchimie sous le charme des deux Fulcanelli, «  Le Mystère des Cathédrales  » puis «  Les Demeures Philosophales « , je m’en voudrais d’omettre de les recommander d’entrée de jeu ; d’autant qu’on y ressent bien cette importance non seulement des livres, mais aussi des pierres, et plus généralement des signes, de préférence imagés, dans la transmission d’un savoir authentique ; et le savoir est là, évident, immense même.
Non que ces livres soient faciles ; élégants certes, mais en dépit d’un humour bienveillant, ils restent aussi parfois austères et leur compréhension d’ensemble échappe au lecteur de prime abord ; qu’il ne s’en offusque pas, il doit se rappeler qu’il découvre un ésotérisme, et qu’avant lui bien d’autres, à commencer par Fulcanelli lui-même, qui le dit, ont dû constater la vérité de la maxime qui veut qu’on n’entre pas au débotté dans le palais du roi. Oui, il est vrai et bien vrai que la patience est l’échelle des philosophes, et l’humilité, ajoutent-ils, la porte de leur jardin.
Après Fulcanelli, ou mieux avec lui, je reste convaincu que Canseliet, son seul élève, l’homme qui a rendu ses lettres de noblesse à l’alchimie française – car tel fut son apostolat – mérite amplement le détour de veilles studieuses ; ses «  Deux Logis Alchimiques « , d’abord, qui prolongent l’approche fulcanellienne, mais aussi ses savants commentaires de vertigineux livres d’images : « L’Alchimie  » et son «  Livre Muet « , «  Les Douze Clefs  » de Basile Valentin ( le véritable initiateur de Fulcanelli ), et bien sûr «  Le Livre des Figures Hiéroglyphiques  » de Nicolas Flamel, adepte fervent de l’hermétique flamme.
Du même Canseliet il sera utile, également, de s’imprégner de « L’Alchimie expliquée sur ses Textes Classiques « , non seulement parce que c’est une bonne manière de découvrir de la meilleure des sources quels ils sont, mais aussi parce que ce livre est un des meilleurs résumés ordonnés du travail au laboratoire. Je recommanderai aussi, dans le même ordre d’idées, «  Le Laboratoire Alchimique « , d’Atorène, et de façon je pense non surprenante pour vous, le «  Parcours alchimique à l’usage d’un Opératif  » de Bernard Chauvière.
Je m’en voudrais, également, de ne pas saluer l’importance du travail accompli par un Laplace, en vous soumettant l’idée de vous réchauffer, dès cet hiver, au «  Four Alchimique de Winterthur « . Mais avant de se lancer dans le brûlage de charbon, quelques années d’étude ne seront pas de trop, vous l’avez compris, pour un apprenti. Ce dernier a déjà reçu la grâce de pouvoir s’intéresser à ce mystère, il aura peut-être, de surcroît, le Don de Dieu, s’il s’aide. Pour l’aider à s’aider, je vous soufflerai deux  » trucs « , en forme de recommandations de lecture, bien entendu.
Mon premier est, à nouveau, de tâcher de savoir ce qu’est réellement l’alchimie, dont quelques définitions satisfaisantes ont été données par les uns et les autres ; outre Fulcanelli et Canseliet, je pense ici au «  Qu’est-ce que l’Alchimie  » de Savoret, et aux deux ouvrages de Labatinière, plus connu sous le nom d’Ygé : «  Anthologie de la poésie hermétique  » et «  Nouvelle Assemblée des Philosophes Chimiques « .
Mon second est plus difficile à exprimer. Quand on sait ce qu’est vraiment cette science, on comprend pourquoi elle est cachée. Encore faut-il savoir comment ; par quel procédé, par quel tour de main, dirais-je presque, les Anciens ont-ils occulté et, oserais-je ajouter aussitôt, par là même dévoilé l’alchimie ? Non, je ne vous donnerai pas à cet endroit de référence plus précise. Je vous renvoie à nouveau aux Fulcanelli et aux Canseliet ; et ne me demandez pas, Chère curieuse, quel est mon tout ! Mais vous savez déjà que c’est l’Absolu.
Sur les quelques centaines de livres d’une bibliothèque d’alchimie, voici ceux que je vous recommande pour un premier tour d’horizon en français. Ils sont peu nombreux, mais ils me semblent constituer un ensemble de qualité ; et bien sûr, ils se répondent, ils se complètent les uns les autres… Je ne vous ai pas infligé de références, je pense que vous ne m’en voudrez pas, d’une part parce qu’elles n’entrent pas dans le cadre d’une lettre comme celle-ci, d’autre part, parce que même pour une recherche de livres, chaque étudiant se doit de prendre lui-même sa lanterne. Vous trouverez une bibliographie conséquente, ainsi que le texte de Savoret d’ailleurs, à la fin du volume «  Alchimie  » des « Cahiers de l’Hermétisme « .
Cependant, il me vient comme en forme d’écu un regret final, en constatant que tous mes auteurs sont des hommes alchimistes. Il n’y a pas, dans cette dizaine de traités, ni une femme, ni un représentant de l’Ecole. Comme je ne suis pas sectaire, ouvrez donc également quand vous en aurez le temps, et l’envie, la petite somme de Bonardel : «  Philosopher par le Feu « .

Jean-Yves ARTERO    Paris, le 20 février 2004.

Bien modestement, nous voudrions également signaler ici notre importante bibliographie, 
« Notes Alchimiques » présentée dans : « PUBLICATIONS ».
Les Amis de l’Alchimie.

Alchimie pratique.