FONTAINE INDÉCENTE.

La symbolique de la « Fontaine Indécente » ,
dans le Grand – Œuvre alchimique.
Ce point de pratique du Grand-Œuvre, se retrouve dans plusieurs logis alchimiques ou illustrations de traités ; on peut citer pour mémoire : une gravure duSpeculum Veritatisconservé à la bibliothèque Vaticane, une planche du livre premier duSonge de Poliphile (Hypnerotomachia Poliphili),de Francesco Colonna publié à Venise en 1499 chez Alde Manuce, et connu en France dans sa traduction révisée par Jean Martin (Paris, Kerver, 1546).
On peut également citer le soffite de la Fontaine de la Sagesse au château du Plessis-Bourré intitulé « La Fontaine Indécente », où une fille jeune, que nous présumerons vierge urine abondamment dans un chapeau. (p. 295. Deux Logis Alchimiques –E. Canseliet. J. C. Bailly éd. 1998). Ou bien encore le même hiéroglyphe sur un caisson de l’Hôtel Lallemand à Bourges, là il s’agit d’un angelot féminin qui urine dans un sabot.
Sabot que Fulcanelli (Les demeures Philosophales,tome 1- p. 323 – Pauvert éd. 1996) rapproche dechabot,petit poisson noirâtre et decaboten argot, un chien errant et enragé, ce qui nous ramène à l’introitusde Philalèthe et au chien noir de Khurâsân selon la terminologie d’Artéphius, qu’il s’agit de chasser pour faire disparaître les ténèbres. (Le radical « corac » en grec nous donnekorax, korakosle corbeau, en latincorvus corax,or nous notons avec intérêt que la petite constellation de l’hémisphère austral, au-dessous de laVierge,est la constellation duCorbeau).
D’ailleurschabotest bien proche decaputen langage cabalistique, en ne chuintant pas le « ch » mais en le durcissant en « k ». (Voir à ce sujet, p. 287, au chapitre sur le Songe de Poliphile, lesMatériaux Cryptographiquesde Grasset d’Orcet – B. Allieu. Ed. 1983). Il s’agit donc d’uriner dans lecaput mortuumdes sages à l’instar de la « Fontaine Indécente ».
Dans la planche XXIV duSpeculum Veritatis,attribuée par Eugène Canseliet à Philalète, et que le Maître commente par l’étude de l’effacement successif de l’Étoile noire,sous le triple jet de l’urine céleste d’un enfant de sexe masculin cette fois, qu’il qualifie d’athlète « saturnien ». En effet, Eugène Canseliet différencie l’urine selon qu’elle est déversée par un jeune garçon, qualifié parfois de « jeune cholérique », état symptomatique d’un échauffement de la bile ; ou projetée par une fille jeune et vierge. Cette « urine » qui est un fluide jaune verdâtre lors des mictions à la lumière (qui paraît verdâtre) évoque certainement par l’assonance, en grecOuranos/le ciel, ce qui nous ramène indubitablement à notre planche duSpeculumoù le chérubin, tenant en sa main gauche la « clef de Saturne » est juché sur une nuée. Et point n’est besoin d’ergoter pour suggérer à l’évidence, que cette urine céleste est en effet la Rosée du Ciel, réceptacle de l’Esprit Universel corporifié sur un nitre, qu’Eugène Canseliet dans son commentaire de la planche V des Xii clefs de Frère Basile Valentin nous précise vert et réfringent, mais aussi et surtoutrouge rubisdans une certaine rosée concentrée, ainsi que le note Borrichius dans une scolie rapportée par Juncker en sonTraité de Chimieen 5 volumes.
Mais cet Esprit, Lumière de Nature, qui peut s’incorporer dans l’Émeraude Philosophique grâce à un support salin blanc, jaune au départ dans sa réaction chimique, est alors coloré en vert. Il peut aussi se corporifier directement dans les demi-métaux en fusion, dont la surface présente alors un lignage entrecroisé comparable à un filet.
Certains Hermétistes utiliseront la symbolique de la galette des Rois pour traiter de cette opération.
(Fulcanelli –Le Mystère des Cathédrales –Pauvert éd. 1964). Toutefois le résultat attendu n’offrira son capital qu’à la double condition : que la liquation soit parfaite en son essence et que le refroidissement graduel soit parfaitement maîtrisé. Nous venons de passer en revue deux formes de fixation de l’Esprit Universel selon des supports différents ; grâce aux sels des fondants, par le truchement du régule en fusion.
Il serait opportun d’évoquer ici une troisième forme, qui concerne l’imbibition, que nous qualifierons de généreuse. Si nos deux premiers supports sont connus et d’interprétation aisée, il n’en va pas de même duCaputet nous n’irons pas plus loin qu’Eugène Canseliet lui-même dansDeux Logis Alchimiquesqui indique cette imbibition dans l’explication de la « Fontaine Indécente » du Plessis-Bourré. Par contre, le disciple de Fulcanelli distingue l’urine, on l’a vu, selon qu’elle est projetée par un enfant mâle, ce qui nous ramène au chapiteau du distillatoire qui s’échauffe au passage de l’Esprit de Rosée, partie noble et subtile contenant le Nitre de Vie, de celle émise par une jeune fille qualifiée de « vierge », nous rapprocherons « vierge » de brute, c’est-à-dire qui n’a point reçu de traitement préalable modifiant sa composition, si ce n’est bien sûr, une soigneuse filtration et une exposition consécutive.
Ainsi, alors que notre régule issu de la conjonction antécédente est purifié par lesel d’harmonietiré de la Rosée céleste ounitre vif, lecaputquand à lui est enrichi par la Roséeviergeoubruteà des fins que nous laisserons rechercher. Nous rappellerons simplement que les chimistes du temps : Lefèbvre, Glaser, Macquer, Lemery … faisaient subir au régule d’antimoine martial une triple purification par le nitre, attendu qu’à la première purification ils rajoutaient un huitième à un tiers d’antimoine pour ôter le résidu de Mars présent et obtenir ainsi une première scorie et aux deux autres purifications des scories succinées.
Cette technique, nous en conviendrons, n’est pas sans rappeler lemodus operandidéjà énoncé par Kernadec de Pornic qui procéda de même, en son temps.
Notre apophtegme sur ce sujet précisément nous conduirait à compulser à nouveau leTraitéde Juncker déjà cité, notamment au chapitre del’Antimoine, sans oublier le chapitre consacré auxEaux de Pluie, de Rivière, et de Rosée. Et nous terminerons par cette citation de William Shakespeare ; « Nous pensons qu’au-delà il n’est rien de nouveau, que demain sera pareil à aujourd’hui et qu’à jamais nous resterons des enfants ».
A. C.
NOTE des Amis de l’Alchimie :
Le songe de Poliphile est le centre de l’intrigue d’un roman, récent best-seller,« La Règle de quatre » publié chez Michel Lafon.Les auteurs imaginent que ce texte est entièrement codé. En réalité, si l’on relève les caractères figurés sous forme de lettrines qui débutent les divisions de l’ouvrage, (à l’exception de la première qui précède le texte de Colonna) on recompose l’acrostiche: Poliam Frater Franciscvs Colvmna Peramavit.Ce qui veut dire simplement que Colonna aimait Polia avec passion.
Alchimie pratique.