LES LUTS

Nous n’utilisons que très rarement les luts, mais nous sommes de temps en temps consultés par Mail à ce sujet.
C’est la raison de ce très court article en guise de réponse.

Définition :

Les luts sont des enduits utilisés couramment par tous depuis l’antiquité. Les alchimistes en ont fait un usage continu depuis des siècles. La verrerie rodée a permis d’en restreindre le besoin. Cependant, il reste toujours des cornues et autres vases en grès pour lesquels leur usage est toujours requis.
On les utilise pour assurer un assemblage de tubulures, mais le plus souvent pour renforcer une obturation de façon à ce qu’elle soit étanche et souvent résistante à la température par la même occasion. Ils servent également pour enduire les parties des récipients exposés au feu pour les protéger.
Quand il n’y a pas de problème lié à la température, (au-dessous de 200° C) à l’endroit où l’application du lut doit être faite (ce qui est plus souvent le cas qu’on ne le pense, les utilisateurs confondant par exemple la panse d’une cornue soumise au feu et le bout de son bec à l’air libre), nous utilisons tout simplement de la colle silicone pour aquarium ou de la colle époxyde.
Ne répondant pas exactement à la définition de lut, un type de fermeture très employé par les alchimistes consistait à tordre à chaud (ou à pincer) puis à fondre localement le long col des vases en verre prévus pour cela.

Pour les températures proches de l’ambiance :

Utilisée à température ambiante, la fermeture à la cire d’abeille (ou de nos jours la cire à cacheter). Ce lut permet de compléter l’action des bouchons de liège pour garder parfaitement au sec les produits, les plantes séchées, et encore de nos jours, pour conserver le vin.

Toujours pour une même température, on détrempe dans du blanc d’œuf battu des morceaux de vessie (de porc ou de bovin) que l’on enroule au niveau des jonctions de tubulures, principalement pour les appareils utilisés pour la distillation.

Si on ne cherche pas à éviter à tout prix la fuite de vapeurs ou autres fluides gazeux, on peut se contenter de réduire en bouillie, avec de l’eau, de l’amidon ou de la farine cuite.
De la même façon, on peut étancher des jonctions simplement avec des bandes de papier trempées dans l’eau, du blanc d’œuf, ou de la colle de poisson.

Le lut sans doute le plus répandu (nous l’employons parfois) est confectionné à partir d’un blanc d’œuf longuement battu et de la chaux vive en poudre très fine. Pour écraser au mortier la chaux vive, il est indispensable de protéger ses mains et surtout ses yeux.
On mouille une (ou plusieurs) bandelette de toile fine (lin ou coton, pas de tissus synthétiques) dans le blanc d’œuf et on l’enroule sur la jonction en la poudrant bien régulièrement avec la chaux.
On recouvre d’une autre bande de toile imbibée de blanc d’œuf. Ces enroulements de bandelettes sont très pratiques pour réunir des pièces de diamètres différents comme un bec de cornue en grès et un tube de verre.

Le lut d’amandes est fait avec le tourteau de ces fruits (c’est le résidu de l’extraction de l’huile d’amandes) auquel on incorpore en broyant de la colle d’amidon pour lui donner la consistance et la plasticité voulues.

Pour les températures élevées,
voire même devant résister au feu nu :

Le lut gras : Il a pour base de la terre glaise, bien séchée, puis pulvérisée finement. Cette terre est mêlée à de l’huile de lin cuite avec 1/3 de son poids de litharge.

Le lut de terre réfractaire : On utilise de la terre propre à faire des briques réfractaires. Cette argile ne doit pas être trop grasse, susceptible de fendre, ni trop sableuse. Humidifiée, elle est mêlée de beaucoup de crottin de cheval et de bourre (touffes de poils hachées). Ces adjonctions sont destinées à éviter que le lut ne se fende au séchage, puis au feu lors de l’usage.
De même, en fabriquant les briques destinées à la construction de leurs fours, les alchimistes y incorporaient des poils de vache provenant de la tonte des peaux ou de la filasse hachée.
Suivant le degré de feu prévu, les alchimistes ajoutaient du sel marin, de la suie, du verre pilé et des battitures de fer (paillettes qui tombent de l’enclume du forgeron). Ce type de lut servait aussi à recouvrir extérieurement la panse des cornues de verre d’une calotte, d’un bon centimètre d’épaisseur, pour répartir la chaleur.
Cette calotte servait aussi à consolider la cornue travaillant à la limite de la fusion du verre. Le verre utilisé à l’époque avait un point de fusion beaucoup plus bas que notre verre borosilicaté. De nombreux traités d’alchimie parlent de surveiller le moment où la cornue ramollie « s’assoie » sur les barres de fer du foyer.

Employée encore par quelques alchimistes contemporains, la fusion de poudre de verre scelle les bouchons de vases en grès, de forme étudiée pour ce type de fermeture, et réservés pour un travail à très haute température.

Il existait bien d’autres luts particuliers : On utilisait le bitume de Judée, la poudre d’ambre jaune, mêlée de borax et de gomme arabique. On ajoutait souvent de la poudre de verre broyée de façon impalpable. Il était indispensable de sécher très progressivement tous les luts et parfois de colmater au fur et à mesure les fentes qui s’y produisaient. Chacun avait sa recette pour réparer ses vaisseaux et en boucher les fentes. Dans ce dernier cas, nous utilisons le verre liquide (silicate de soude ou de potasse) objet d’un de nos articles.

Pour terminer nous pouvons signaler une pâte de nettoyage de la graisse, utilisée à contre-emploi, pour luter des montages de distillation. On la trouve chez les fournisseurs d’accessoires pour le modélisme.
Nous montrons [figure 1] (trouvée sur internet) et [figure 2] notre pot vide de cette gomme fournie par la firme Serpent.

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Les images suivantes [figures 3 et 4] montrent un exemple d’utilisation avec une de nos têtes de Maure coulée en grès.

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Comme vous le constatez, notre érudition sur le sujet n’est pas très étendue. Nous parlons pratique, mais en pratique les luts sont peu utilisés de nos jours, et cet article ne se veut pas un cours d’histoire des techniques.

Paul Melleret pour Les Amis de l’Alchimie
Dernière mise à jour : 2015-03-23