D’ALCHIMIQUE MEMOIRE, Jacques Cœur.

D’ALCHIMIQUE  MEMOIRE,  OU  LE  MARIAGE  PELERIN.

        Pour l’alchimiste Canseliet, qui fut sans doute le refondateur de l’alchimie au dernier siècle, cette science est forcément contestataire. Il aurait pu ajouter qu’étant en marge elle est aussi, obligatoirement, poétique. 

Si depuis les Grecs anciens nous savons que le poète est,d’abord, celui qui fait, il ne nous reste plus, dès lors, qu’à réaliser qu’en créant, ou du moins en recréant, l’alchimiste fait véritablement œuvre poétique.

Rien d’étonnant, donc, à ce que les vers d’alchimie soient légion dans le corpus hermeticum, de Ripley ou Maier à Nuysement, entre autres, de même que l’alchimie, de Rimbaud à Roussel ou Breton, a fasciné maints poètes de qualité.

Alchimiste, parfumeur et poète, Joëlle Oldenbourg appartient sans conteste à ce noble lignage. Nous pardonnera-t-elle si nous ajoutons aussitôt, dans le droit fil de ce qui précède, que sa relation à Jacques Cœur, auquel ce beau recueil est, pour ainsi dire, consacré, est, pour un chercheur de l’or du temps, surréelle ?

A la lire avec ce coeur d’amour épris qui rend les lectures, et les études, agréables, il devient vite évident qu’elle a noué de toute éternité avec notre Argentier une liaison indéfectible, passionnelle, fusionnelle même.

Impossible, me direz-vous, par delà les siècles qui les séparent ? Mais impossible précisément n’est ni alchimique, ni poétique, ni français, et Jacques Cœur le vaillant le savait bien d’ailleurs, j’ajouterai sans hésiter il le SAIT mieux que personne.

Car je vous le dis en confidence, il n’est pas mort, bien sûr, ni à Chio, ni à Cuers, ni ailleurs. Il vit, en particulier, dans cette âme qui se met à nu devant nous, sans fausse pudibonderie, comme il vit, plus généralement, dans l’éternel présent, où, illusions biologiques, naissent, passent et trépassent nos corps mortels.

Nos corps qui, telle une flamme fragile, conservent pourtant en eux l’alchimique mémoire du passé qui fut, et donc est toujours, et du futur qui sera, et donc est déjà.

Voici donc bien devant nous cet indicible qui devait être dit, et qui se pare ici des plumes de l’écrit, par la vertu même de l’imagination et de l’intuition poétiques, dont l’apparente déraison, voire la folie aux yeux de ce monde pas très sage au demeurant, ou à ceux du lecteur pressé qui lui appartient totalement, fonde en fait le charme salvateur.

Et la voilà aussi cette chimie du divin, visionnaire et enchanteresse, toute empreinte de la délicieuse naïveté d’un âge qui fut non pas moyen, mais royal.

Entraînée comme malgré elle par une force forte de toute force, notre auteur nous convie à son tour à une ronde d’où nos esprits, d’où nos âmes s’ils ressortent sont comme magnifiés.

Naturelle ou surnaturelle, cette magie agit sur nous, en nous, et bien vite nous nous rendons compte que par la prière de Joëlle, nous entendons les mots mêmes de celle de Jacques :

« Tu a ceint mes paroles

D’un passé ressurgi
De souvenirs lointains
D’émotions enfouies. »

Nouvelle Pernelle d’un Flamel rené, notre écrivain juré nous invite bel et bien à l’accompagner longtemps, tout au long

    « Des longues nuits austères
 Où seul l’esprit prévaut
Magnétique univers
Inondant la matière
Inaccessible et fière
Qui attend son amant
Pour ouvrir le festin
   Des planètes chantées
Alchimiques soirées
  De ta quête étoilée ! »

Suivons donc notre pérégrine Pellegrin dans sa recherche célestielle d’un très vieux, d’un sempiternel château, car ce burg périlleux est non seulement certain hôtel berruyer mais surtout celui du Graal.
Et chantons avec elle le grand cantique de la nature et de la vie:

   « Quand tes pas inscrivent ma route
Ton rire s’inscrit en mes joies. »

De ces joies là, qu’il importait beaucoup de ne pas taire, saluons avec un plaisir sans mélange et le faire, et le dire.

« On ne voit bien qu’avec le cœur ». Alors, lisons, et voyous, voyeurs ou voyants, comme il vous plaira, voyons, découvrons ensemble le miracle smaragdin d’une seule chose, de cette rose fleur où l’art d’amour est tout enclos.

Et ensemble, si vous le voulez bien, célébrons ce singulier mariage pèlerin du pelletier fortuné, bien plus qu’infortuné, et de la dame au parfum,

« Celui des noces alchimiques
            Entre une coquille plissée bien sage
          Et un grand cœur resté sauvage. »
Jean Yves Artéro  Octobre  2005

                                             Alchimie pratique.