LES MOYENS de CHAUFFAGE des ALCHIMISTES II

Généralités :

La première utilisation de l’huile (ou de la matière grasse) enflammée remonte à l’époque préhistorique puisqu’on a retrouvé à Lascaux (15.000 av. J.C.) une lampe en forme de bol à gras en grès. On retrouve bien plus tard vers 1.400 av. J.C. ce genre de pierre creusée (en granit) toujours utilisée. Il ne s’agissait à cette lointaine époque que d’utiliser la lumière de la mèche.
Plus tard, d’odieux tyrans, en incérant des mèches dans l’abdomen de leurs prisonniers vivants, se procurèrent des lampes à gras humaines.
Les romains firent un très large usage des lampes à huile : en pierre, creusées fermées [Image 1] ou en forme de cupules ouvertes, le plus grand nombre en céramique décorée [Images 2 & 3] ou en métal[Image 4], (souvent du bronze).




Nb :

On trouve facilement dans le commerce des reproductions de ces lampes, vendues en souvenir, uniquement pour la décoration, mais il existe aussi de fidèles reproductions dont la céramique, comme à l’époque n’est pas poreuse et qui fonctionnent parfaitement.
La lumière du jour a longtemps dans nos campagnes été la seule source de lumière, prolongée un peu par la lueur de la cheminée et de coûteuses bougies. Puis, la lampe à huile dont la capacité en huile chez les Romains était très faible, se perfectionna avec la lampe à réservoir [Image 5] et sa mèche creuse. Cette dernière étape vers les années 1 800 précéda de peu l’arrivée de la lampe à pétrole, puis du bec de gaz.
L’utilisation pour l’éclairage tombant de ce fait dans l’oubli, sauf pour des illuminations, il n’y aura bientôt plus que ceux (les spagyristes en tête) qui, désirant bénéficier d’une source de chaleur douce, utilisent encore la combustion de l’huile. La matière grasse sous forme de bougies sous les chauffe-plats est sans doute aussi une des dernières utilisations de ce mode de chauffage.

Le chauffage à la mèche à huile :

Nous revenons à la suite de notre précédent article sur ce sujet. On peut utiliser toutes sortes de montages pour chauffer avec des mèches et de l’huile [Image 6]. Pour illustrer cet article, nous utiliserons un tube en tôle d’acier de 16 centimètres de diamètre et de 26 centimètres de hauteur totale. Le bas du récipient à chauffer, posé sur des tringles ou suspendu, est en moyenne à 20 centimètres au-dessus des flammes[Images 7 & 8]. La seule chose importante est de laisser une libre arrivée d’air pour la combustion, et également de ne pas freiner la sortie de l’air chaud, sous peine de voir se déposer une épaisse pellicule de suie (imbrûlée) sur les récipients et de gaspiller ainsi le combustible.




Nous l’avons dit dans la première partie de cet article, nous utilisons l’huile de colza.
Pour ce qui est des mèches et des flotteurs, [image 9] nous avons pour notre part donné la préférence à : « La Ciergerie Vuedon, 113 Grand’rue 86000 POITIER ».

Raison de notre choix : une très grande stabilité du flotteur au renversement. Nous avons tout de même provoqué volontairement ce retournement 20 fois sans jamais parvenir à déclencher le feu dans le récipient d’huile. L’huile reste tiède, sans comparaison avec l’huile de friture bouillante génératrice de vapeurs qui s’enflamment si facilement dans nos cuisines.
Par précaution, nous conseillons de placer sous l’ensemble [Image 10] un récupérateur pour l’huile éventuellement renversée maladroitement. Un moule à tarte en métal ou en silicone fait parfaitement l’affaire. Dans le cas très improbable de feu dans l’huile, le récupérateur limiterait de toutes façons les flammes dans la zone à l’intérieur du tube.


Utilisation :

Elle est réservée aux besoins d’un chauffage modéré, au maximum l’ébullition. On peut chauffer à la mèche à huile lors d’opérations au soxhlet, pour des cohobations de longue durée, des distillations lentes, etc.
Nous ne conseillons pas de chercher à maintenir à l’ébullition une grosse masse [images 11 & 12], (par exemple un ballon de deux litres trop rempli). Au besoin, il est préférable de chauffer le liquide préalablement d’une autre manière, car si le maintien à la température est possible (suivant le nombre des mèches mises en œuvre), le chauffage de départ est inutilement coûteux en temps et huile.


Tous les essais sont faits avec le montage de micro-distillation [image 13] déjà décrit sur le site.
Pour vous permettre d’évaluer l’intérêt de choisir un nombre de mèches [images 14] plutôt qu’un autre, le tableau [image 15] ci-dessous résume quatre essais de distillation. La cucurbite contient 400 cc d’eau de vie à 50 °.
Les essais sont stoppés au moment où débute l’écoulement de l’alcool distillé.
Arrivé à ce stade, il est bien entendu possible voire souhaitable de réduire le nombre des mèches utilisées pour réguler la vitesse de distillation.


L’essai de cohobation ci-après [Images 16 à 18] est celui d’une teinture de romarin. Teinture réalisée avec l’utilisation d’eau-de-vie distillée à 97°, (le pèse-alcool n’étant pas adapté à la lecture de la teinture, le degré alcoolique actuel est inconnu).
Le ballon du bas est de 1 litre et contient 300 g de teinture. Le ballon supérieur de condensation est de 2 litres de capacité. Le disque d’aluminium disposé entre les deux a pour but de minimiser le chauffage du ballon supérieur par l’air chaud qui se dégage. Il limite également le dépôt de suie sur ce ballon.
Température du labo pratiquement constante à 20°C pendant toute l’opération.
Nombre de mèches en service au départ, 5
Après quelques heures et l’apparition de petites veinules (pas de la condensation, sauf une grosse goutte au sommet du ballon) [image 19], le nombre des mèches est ramené à 3.
Cet essai a surtout pour but de mettre en évidence la présence de suie dégagée par la combustion de l’huile, (il existe dans le commerce de l’huile dite « sans suie » ?, mais dont le coût est 6 fois plus élevé).
Ce dépôt de suie est malheureusement de nature à rebuter ceux qui ne peuvent travailler sous hotte, et veulent éviter le nettoyage de la verrerie.


Nous n’irons pas plus loin sur ce sujet, mais nous invitons ceux qui utilisent régulièrement ce moyen de chauffage à nous faire part de leur expérience, qui sera publiée sur le site pour l’information de tous.

Paul Melleret : pour Les amis de l’alchimie.