REFROIDISSEMENT III

En général, malgré notre souci de décrire en détail tout ce que nous présentons, nous recevons des demandes de renseignements complémentaires au sujet de presque tous nos articles.

Ces demandes, en partie par mails, sont cependant principalement faites anonymement par téléphone. Celles destinées au forum ne peuvent y trouver place, car ce média est réservé aux messages brefs.

Nous ressentons, dans les propos de nos interlocuteurs, une réserve pour ne pas dire une gêne, un sentiment de culpabilité diffus de devoir nous poser une question, alors que c’est au contraire une preuve d’intelligence de le faire.
Il en découle, que souvent, nous sommes amenés à donner une suite à un ancien article pour plus de précisions. C’est ici le cas avec les articles de 2006 et 2007 (à relire), du même nom.

Pour un travail courant (extraction d’huile essentielle de la plante pouvant être contenue dans un réacteur de 6 litres, ou une extraction au soxhlet en une dizaine de passages , nous l’avons dit, 5 litres d’eau suffisent. Il n’en est plus de même lors d’un travail continu pouvant dépasser les 24 heures.
C’est pour cela que nous avons effleuré la question d’un refroidissement complémentaire de la réserve d’eau du circuit.
Mais avant, et pour répondre à des questions posées, nous devons parler de ce circuit de refroidissement. Le liquide (pour nous toujours de l’eau) est déplacé par une ‘pompe’ d’aquarium. En réalité, il s’agit d’un dispositif vibrant très différent de ce que l’on imagine en pensant à une pompe.

Un avantage : il est possible, en marche, de fermer les robinets du circuit sans problème.
Un inconvénient : l’eau est mise en mouvement sans force. Une pompe d’aquarium vendue pour une hauteur de refoulement de 1,5 m (minimum indispensable) est capable de porter l’eau à une hauteur de 1,5 mètre, mais c’est tout. Si l’on veut vaincre les frottements et assurer un débit, il est indispensable que la colonne d’eau de retour revienne au niveau de la pompe en question pour agir comme un siphon par son poids. Si ces conditions sont respectées, la pompe n’a plus à élever l’eau, mais seulement à la mettre en mouvement.

Autre détail important : le dispositif étant vibrant, une bulle d’air dans le circuit sera comprimée légèrement et relâchée au rythme de la vibration sans que la colonne d’eau ne bouge. C’est pourquoi, il est indispensable d’avoir dans le circuit de retour un indicateur de débit, car il est impossible de voir, sans cela, si l’eau circule.

S’il est possible de loger la réserve de réfrigérant en hauteur, (au-dessus de la sortie du réfrigérant) il est commode d’évacuer les bulles d’air du circuit. Ces bulles proviennent lors du changement de réfrigérant, de l’air présent entre les deux robinets, ou plus gênant, si vous n’avez pas stocké vos réfrigérants plein d’eau (comme nous le préconisons). Dans ce dernier cas, l’évacuation de l’air contenu dans la chemise du réfrigérant peut être longue à obtenir totalement.

Si la réserve doit être au niveau de la table, pour des raisons de hauteur sous plafond, comme on nous le dit souvent, ou bien pour y accéder facilement dans le but d’agir sur sa température, (nous en parlerons plus loin) il sera un peu plus délicat d’évacuer les bulles d’air, mais au bout de quelques minutes d’examen de l’indicateur de débit, on sera pleinement rassuré. Si le réfrigérant n’est pas encore intégré dans le montage de verrerie, il est bien plus facile, en le manipulant sous diverses orientations, de diriger les bulles d’air vers le tuyau de retour.
L’indicateur de débit est vital car il est fréquent qu’une tuyauterie en matière plastique, qui semble se tenir convenablement à froids, s’affaisse dès que la température du liquide de refroidissement s’élève d’une dizaine de degrés et limite ou interrompt complètement le circuit. Il faut faire en sorte que les tuyaux pendent naturellement, quitte à s’aider d’une pince judicieusement placée.
Pour les parties directement connectées au réfrigérant, nous utilisons du tuyau silicone qui ne pose pas de problème à chaud, mais se pince facilement sous le poids de l’eau et du raccord double. Ces précautions qui semblent évidentes sont indispensables pour pouvoir laisser un montage sans surveillance.

La réserve de réfrigérant ! C’est à vous de la choisir : bidon, aquarium, bacs de tous types. Si nous parlons de glacière de camping pour l’usage sur table, c’est uniquement que nous en avons récupéré, et distribué, autour de nous, 7 exemplaires ces dernières années, à partir de la déchèterie communale. Si vous ne désirez travailler qu’à la température ambiante, un bac aux parois conductrices de la chaleur sera pratique pour évacuer une partie des calories dans l’air ambiant. Par contre, si vous pensez abaisser fortement la température du liquide de refroidissement, un bac isolant sera préférable.
Il y a quelques années, j’avais logé un bidon dans un vieux petit frigo à  » absorption « , bidon relié à l’extérieur par deux trous dans la porte qui ne tenait plus fermée que par une sangle.

Il existe aussi dans le commerce des frigos  » à compression « , de taille comparable aux glacières de camping, capables de descendre à moins 15 °C.
Nous présentons [Images 1 & 2] une glacière équipée de deux pompes, car pour certains montages, deux réfrigérants sont utilisés simultanément.

      Pour en revenir au sujet, qui est de pouvoir disposer d’une réserve de liquide de refroidissement à une température stable (souvent plus basse que l’ambiance) pratiquement sans limite de temps d’utilisation. La première idée qui vient à l’esprit est d’ajouter de la glace dans le bac. Pour cela, nous allons devoir parler un peu de calorimétrie :

Avec de la glace d’eau :
Données : 
Chaleur massique de l’eau 4,185 Joules par gramme et par °C.
Chaleur massique de la glace 2,09 Joules par gramme et par °C.
Chaleur latente de fusion de la glace 334 Joules par gramme et par °C.
Exemple pratique :
On dispose de (10 litres), 10.000 grammes d’eau de refroidissement à 20 °C, (température ambiante).
On introduit dans cette eau (1 litre), 1.000 grammes d’eau congelée à moins 18 °C.

Discussion

En premier, la glace passe de moins 18 °C à 0 °C, sa température de fusion.
Soit : 2,09 x 1.000 x 18 = 39.420 joules prélevés à l’eau.
Deuxièmement, la glace passe de glace à 0 °C, en eau à 0 °C.
Soit 334 x 1.000 = 334.000 joules prélevés à l’eau.
Les 10.000 grammes d’eau à 20 °C représentaient une chaleur massique de : 
4,185 x 10.000 x 20 = 837.000 Joules.

Cette chaleur massique est maintenant répartie dans 11.000 grammes depuis la fusion de la glace, donc la température de référence de l’eau devient :
837.000 / (4,185 x 11.000) = 837.000 / 46.035 = 18,18 °C.
La glace et sa fusion ont prélevé 39.420 + 334.000 = 373.420 Joules aux 11.000 grammes d’eau.
Et ont donc abaissé sa température de : 
373.420 / (4,185 x 11.000) = 373.420 / 46.035 = 8,11 °C supplémentaires. 
Ce qui porte les 11 litres d’eau à 18,18 – 8,11 = 10,07 degrés.

Nota important

L’apport de glace augmente le volume de la réserve de réfrigérant, cette solution est donc limitée à un ou deux apports lors d’une opération. En outre, avant une opération ultérieure, il sera indispensable de revenir au volume initial en retirant l’eau excédentaire pour éviter tout débordement du récipient de stockage.

Avec de la glace sèche : 
Sous ce nom, on parle de la glace carbonique vendue sous différentes présentations (pellets, écailles, bâtonnets, sticks. etc.). Elle est réalisée par compression et détente du gaz carbonique, la neige carbonique ainsi produite est ensuite comprimée sous forme de glace. Il est même possible, à partir d’une bouteille de gaz, de faire soi-même de la neige carbonique à la demande.
Jusqu’à sa totale évaporation, elle reste à moins 78,5 °C. Pour s’évaporer, 1 kg prélève à l’ambiance 627.750 joules, ce qui permet d’abaisser de 15 °C la température de 10 litres d’eau.
Un lot de 10 kg de glace carbonique revient à environ 60 euros 2009, port compris. Il faut cependant tenir compte d’une perte par évaporation de 2 à 2,5 kg par 24 heures de stockage avant usage, (perte à diviser par deux si on la conserve au congélateur). 
C’est une solution écologique, car en s’évaporant, le CO2 retourne dans l’atmosphère d’où il a été pris pour faire la glace. Si vous êtes un bon et fidèle client des Pompes funèbres Générales, grands utilisateurs, ils vous en feront facilement cadeau d’un ou deux kilogrammes.
Il faut s’assurer que le gaz carbonique (impropre à la respiration), (plusieurs centaines de litres), ne se concentre pas dans le local et protéger ses mains des brûlures par le froid.
La glace carbonique est surtout utilisée dans les cas ou l’on désire un froid intense dans un ballon de réception, plongé dans un liquide incongelable à cette température, acétone par exemple.

Avec des pains congelables garnis de liquides eutectiques cristallisables :
Ces pains, de différentes formes et capacités, sont aussi nommés accumulateurs de froid. Ils sont très employés dans les transports de matières et d’aliments devant rester à basse température. 
Le grand public ne les connaît que sous forme de plaques destinées aux glacières portatives. Le contenu des pains est constitué d’un mélange de liquides qui cristallisent sous l’effet du froid à une température bien précise, le point d’eutectique. 
En retour, à la même température qui reste constante pendant toute la transformation, ils absorbent de la chaleur au milieu ambiant pour retourner à l’état liquide. 

Suivant l’usage auquel ils sont destinés, ces pains ont un point d’eutectique qui peut être situé entre moins 30 °C et plus 2 °C. Ils ont une durée de vie illimitée.

Ce sont des plaques de ce type qui sont utilisées dans l’exemple présenté. Il y en a plusieurs pour pouvoir les recongeler à tour de rôle, et les utiliser en nombre adapté au besoin immédiat.
Les photos [Images 3 à 6] montrent les deux pompes indépendantes et les indicateurs de débit correspondants. 
Seule la partie du couvercle, côté sorties, est collée à la glacière, l’autre partie, ouvrante, permet l’échange des plaques réfrigérantes.
Exemple :
On dispose de 10 litres d’eau de refroidissement à 20 °C, (température ambiante).
On introduit dans cette eau 1.000 grammes de mélange eutectique du commerce de grande surface, (plus l’emballage en forme de brique en matière plastique considéré comme négligeable). Nous n’avons mesuré qu’un abaissement de la température de 2,7 °C. 

Nos mesures calorimétriques nous laissaient espérer un peu plus, mais la présence des pompes et le faible isolement thermique de la glacière n’y sont sans doute pas étranger. Il nous est arrivé (sans penser à compter les plaques utilisées) d’avoir l’eau de la glacière à 8°C. 

Le ballon de réception

Souvent, si on utilise un réfrigérant à une température inférieure à celle de l’ambiance, on désire également que le ballon de réception soit le point froid du circuit.
Dans les premiers articles, nous avons donné quelques indications pour refroidir ce ballon. Nous ajoutons ici quelques recettes, mais il doit rester évident, que pour obtenir les températures négatives indiquées, le mélange réfrigérant doit être utilisé seul et non dilué.
Le mélange d’alcool absolu (100° ou proche) à 0 °C avec de la neige ou de la glace pillée fin à 0 °C peut baisser en température jusqu’à moins 37 °C, si la quantité de neige utilisée dépasse un peu celle que l’alcool est capable de fondre.
1 part de sel marin à 0 °C mêlée à 2,2 parts de glace pillée à 0 °C, permet au mélange de se refroidir jusqu’à moins 20 °C. 
4 parts de chlorure de calcium mélangées à 3 parts de glace pillée produit un mélange à moins 50 °C.
Si on mélange à parts égales de l’eau (déjà réfrigérée à 10 °C dans un simple frigo) avec du nitrate d’ammonium, on obtient un mélange à moins 15 °C.

Ne demandez pas votre nitrate à AZF Toulouse, ils n’en ont plus, mais vous en trouverez dans n’importe quelle jardinerie, à un prix d’autant plus abordable que vous pouvez le récupérer par évaporation de l’eau, au soleil ou à l’étuve à 110 °C maxi, on ne sait jamais, il y a des cas très rares (mais spectaculaires) où çà explose. 
Vu le prix, vous pouvez tout simplement l’utiliser, dilué comme engrais pour votre pelouse, au lieu de chercher à le recycler.

NOTA :
En marche normale, le refroidisseur à reflux utilisé pour un soxhlet travaille avec 1/3 ou 1/2 de sa hauteur  » tiède « , la partie au-dessus ne laisse pas voir de vapeurs, car elles s’y sont condensées et sont retombées. 
Cet équilibre de température, entre celle minimum pour porter à ébullition le liquide d’extraction contenu dans le ballon, et celle du réfrigérant (pour que sa zone de travail soit convenable, comme indiqué ci-dessus), ne peut donc être obtenu que par la température de l’eau de refroidissement. Si l’on dispose d’un réfrigérant de grande hauteur [Image 7 haut], l’eau à température ambiante peut convenir. Si par contre, votre soxhlet est équipé d’un réfrigérant court (bien qu’aussi efficace), [Image 7 bas], il est plus acrobatique d’empêcher un débordement des vapeurs sans réfrigérer l’eau du circuit. 

Les Amis de l’Alchimie.